L'édito de Vincent
C’est presque devenu un lieu commun dans notre industrie immobilière : la hausse des taux d’intérêt, forte et rapide, est la cause quasi-unique de la crise que traverse le secteur. Je vous propose ce matin une autre lecture : et si c’était plutôt 10 ans de taux bas, qui ont artificiellement masqué l’accroissement des déséquilibres, qui doivent être mis en cause ? Quand, dans un pays, les prix immobiliers augmentent 6 fois plus vite que le pouvoir d’achat (+28% contre +5% sur la période 2013-2021, voir graphique ci-dessous), comment peut-on espérer ne pas prendre le mur en pleine face ? Quand, dans ce même pays, les prix et les loyers des logements divergent aussi fortement (+28% versus +7% sur la période), comment ne pas anticiper un retrait des investisseurs particuliers à un moment ou à un autre ?
Les taux bas ont caché ces réalités pendant des années : chaque euro que l’on rajoutait sur le prix du mètre carré était compensé par une amélioration continue des conditions d’accès au crédit (taux et durée de l’emprunt. En conséquence, les prix augmentaient mais les mensualités restaient stables. Idem pour l’investissement locatif, notamment dans le neuf, où la décrue inexorable des rendements étaient rendue acceptable par un effort d’épargne (la mensualité) qui demeurait limité. Je pourrai aussi parler du coût de revient des immeubles neufs, qui explosait sous le poids de normes jamais évaluées car toujours dissoutes, aux yeux du client final, dans la baisse inexorable des taux. Encore un instant monsieur le bourreau, disait inconsciemment les professionnels aux gouverneurs des banques centrales. Le secteur est malade de tous ces déséquilibres qu’on a laissés exploser pendant la dernière décennie, l’heure est désormais au grand rééquilibrage.
Rééquilibrer, cela passe par une réduction des entraves au bon fonctionnement du marché (plafonds en tous genre, rigidification de l’offre, etc.) et par une dénormalisation massive qui doit permettre aux prix du neuf de redevenir compatible avec le pouvoir d’achat des accédants et avec l'intérêt économique des investisseurs. Sur le premier point, je ne peux que citer les premiers effets des mesures de Milei sur le marché locatif argentin : offre en hausse de 170%, baisse des loyers de 40%, en seulement quelques mois. Même si leur marché était beaucoup plus bloqué que le nôtre, on peut en tirer quelques leçons. Sur le deuxième point, espérons que le sujet sera abordé cette après-midi lors du discours de politique générale de Michel Barnier. C’est urgent.
On peut apporter quelques lueurs d’espoir sur cette réflexion. D’abord, je note que depuis 2 ans, avec la hausse des taux, comme par hasard, les déséquilibres se sont plutôt réduits en France comme aux Etats-Unis : les prix augmentent moins vite que les salaires, et les loyers sont désormais plus dynamiques que le prix. Je note aussi que les professionnels, bien conscients de ces enjeux, innovent pour trouver des solutions. D’Altarea à Nexity, en passant par Icade, plusieurs promoteurs proposent des solutions de financement dont l’objectif est de réduire la taille de la marche entre la location et l’accession. C’est le chemin à suivre !
Sur chacune des actualités, on doit se demander si la hausse des taux est la cause des maux où s’il faut chercher des raisons plus structurelles. Le bureau à Manhattan victime des taux ? Mais pourquoi midtown résiste beaucoup mieux que downtown, avec un test grandeur nature à suivre sur le refinancement du Rockfeller Center ? Raisons structurelles ! Les Proptech font faillites à cause des taux élevés ? Mais pourquoi, sur un même segment, certaines gagnent de l’argent quand d’autres en crament par millions ? Raisons structurelles !
Pour vous changer les idées, on parle ci-dessous de la nouvelle victime de la gentrification berlinoise, les clubs technos, et des effets du remote sur le covoiturage et les voyages d’affaires. Quelques tops, le prix de la Dolce Vita à Rome, les bruits de couloir et notre webinar organisé ce vendredi… réservé uniquement aux membres du Club Real Estech !
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