Une rue nommée désir
Une beauté glaçante et dérangeante : c’est ce que nous donnent à voir les photos des espaces publics les plus emblématiques des métropoles prises pour le New York Times. Connus pour leur grouillement incessant, les voilà vides – conséquence la plus visible du confinement de 2,6 milliards de personnes pour enrayer la dynamique exponentielle de la pandémie liée au coronavirus.
« Restez chez vous » : l’épidémie fait subitement de l’espace public un espace de danger. Un danger d’autant plus pernicieux et anxiogène qu’il est invisible, depuis le malade asymptomatique jusqu’au banc public ou au plastique du paquet de pâtes sur lequel s’est posé le virus.
Mais le confinement fait aussi de l’espace public un espace du désir : pouvoir s’y retrouver à nouveau signifiera le recul de l’épidémie. En attendant, des alternatives sont trouvées dans l’espace physique - avec des apéritifs organisés entre balcons – comme dans l’espace virtuel – depuis les visio-conférences jusqu’aux concerts retransmis en live depuis le salon des artistes, qui, tous, connaissent un franc succès, comme le montrent les sommets atteints en bourse par le titre de Zoom.
Besoin de contacts, soif de s’informer et de comprendre, là se trouve peut-être une des bonnes nouvelles tant attendues dans ce contexte sombre : la crise actuelle remet en avant le double sens du terme « espace public » en français, celui, d'une part, d’espace physique permettant le vivre-ensemble et la rencontre avec l’autre, et, d'autre part, d'espace abstrait du débat au sens d’Habermas. Elle nous révèle, quoique dramatiquement, combien ces deux espaces sont les piliers fondamentaux de nos sociétés démocratiques. – Chloë Voisin-Bormuth, directrice des études et de la recherche
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