Dans la vie, j'ai deux amours : les sons et les mots.
Mon activité préférée, quand je ne suis pas en train de guider une pratique de groupe du Chant des voyelles, ou d’ajuster le son de quelqu’un en séance individuelle, c’est d’accompagner un auteur ou une autrice pour que leur texte reflète le plus fidèlement possible ce qui les habite.
Je me suis longtemps sentie un peu mal à l’aise de naviguer constamment entre yoga des sons et activités langagières, sans pouvoir me décider ni pour l’un ni pour l’autre.
À mes yeux, ces deux domaines paraissaient si différents qu’ils étaient forcément séparés (soit dit en passant, la dualité et l’apparence de séparation, que ce soit entre les pays, entre les langues, ou entre les courants de pensée, est un thème récurrent de mon parcours… 😆).
Quoi qu’il en soit, pour ce qui est des sons et des mots, j’ai cru régler la question en décidant que l’un était ma passion, l’autre mon activité alimentaire.
Mais plus ça va, plus je me rends compte que cela ne correspond pas, ou plus, à ce que vis — j’éprouve autant de satisfaction dans l’un comme dans l’autre (et tous deux me font vivre des hauts et des bas 😅).
Je commence tranquillement à comprendre que la division entre mes deux secteurs d’activités se trouve principalement dans ma tête, et que dans le fond, je fais toujours essentiellement la même chose.
J’ai mis du temps à le comprendre, car la fusion entre les deux s’est faite de façon très organique, sans que je m’en aperçoive.
Le grand saut
À l’été 2000, j’ai débarqué avec mes deux valises dans la campagne québécoise, à l’École de vie consciente, pour approfondir ma pratique des sons conscients auprès de Reine-Claire Lussier.
À ses côtés, j’ai appris à cultiver la présence en observant ma respiration, et à utiliser les sons pour élever la fréquence de mon corps.
Avant de traverser l'Atlantique, j’avais été pendant plus de dix ans responsable des publications d’une grande salle de spectacle parisienne, alors en échange du gîte, du couvert et des enseignements, j’ai révisé et édité son premier livre… puis j’ai continué avec tous ceux qui ont suivi.
J’ai ainsi appris à aborder les textes avec tout mon être, en contact avec leur qualité vibratoire, en me fiant à mon ressenti autant qu’à mes connaissances grammaticales et stylistiques.
Une autre intégration
Depuis un an et demi, j’ai le bonheur de collaborer en tant que coéditrice et traductrice au magazine Intégrer, un “magazine bienveillant qui offre des articles fondés sur des expériences humaines au service de l’Être que nous sommes”.
Après avoir lancé la version en ligne, nous venons de publier le premier numéro de la version imprimée (paru en juillet 2022).
Cette nouvelle aventure m'a fait vivre toute une gamme d’expériences, depuis la révision linguistique de base (une virgule par-ci, quelques coquilles par-là) jusqu’au suivi pas à pas avec rencontres Zoom et de nombreux aller-retours par courriel.
Quelle que soit l’intensité de l’accompagnement, le sentiment de satisfaction est immense quand un texte trouve sa forme juste. Quelque chose se dépose en moi quand je sens que ça y est !
Écouter jusqu'à ce que ça clique
Le parcours pour arriver jusqu’à ce déclic est aussi varié que riche. Mais pour commencer, il y a toujours une lecture simple, neutre — c’est le moment où je dois (encore maintenant) respirer fort pour résister à l’envie de commencer à annoter, ou proposer des révisions.
L’expérience m’a appris qu’il est crucial que je m’offre — et que j’offre au texte — cette première prise de contact sans aucune arrière-pensée; une écoute ouverte pour recevoir sa vibration, laisser résonner en moi les mots et les sensations déclenchées par leur lecture.
Ensuite, il y a parfois (souvent) un moment un peu angoissant, la sensation d’être devant un gouffre : je sais qu’il doit être traversé, mais je n’ai encore aucune idée de comment ça va se faire.
Alors c’est le temps de me mettre en écoute profonde. Respirer encore. Faire des sons. M’ouvrir à l’intuition fulgurante qui me montre le chemin et qui me donne les mots — ceux à écrire dans la marge du texte pour demander des précisions, ou proposer une façon de rendre le texte plus fluide en rapprochant certaines idées, ceux qui me permettent d’entrer dans la danse avec celui ou celle qui a choisi de plonger profondément en soi pour témoigner de son expérience.
D’autre fois, tout est déjà là et il manque juste un dernier regard — un œil frais qui a un peu de recul — pour nettoyer quelques répétitions, trouver un mot plus juste et rafraîchir l’orthographe.
Mais toujours, toujours, il y a l’écoute; pour savoir quand et comment intervenir sans blesser, sans marcher sur les pieds; et aussi pour savoir quand m’arrêter; pour préserver et respecter l’ouverture de celles et ceux qui se sont dévoilés pour écrire; pour ne jamais imposer quoi que ce soit qui vienne directement de moi; pour seulement transmettre ce que je perçois dans le texte et derrière les mots; ce que je devine qui est là et qui demande à être exprimé.
Jusqu’à sentir dans mon ventre et dans tout mon être que “OUI, ça y est. C’est complet. Tout ce qui pouvait être dit aujourd’hui est là”.
Les sons, encore les sons, toujours les sons
Ce que je viens de te décrire, je l’ai développé avec l’aide des sons conscients. Ce sont eux qui m’ont permis de raffiner mon ressenti, de décoder de mieux en mieux les signaux que m’envoie mon corps et de me servir de cette information dans tous les secteurs de ma vie.
C’est le même ressenti que j’utilise quand j’enseigne le Chant des voyelles, pour lire l’énergie d’un groupe afin de savoir comment guider les sons, ou quels mouvements proposer pour les accompagner.
C'est ce même ressenti qui me guide quand j'accompagne les personnes en séance individuelle afin de les aider à aller plus loin dans leur pratique; quand je les écoute et que j'ajuste le son qu’elles émettent afin que celui-ci se rapproche le plus possible de ce que je perçois de leur essence, et de ce qu’elles sont en mesure de manifester à l'étape à laquelle elles se trouvent.
Finalement, que ce soit avec les textes ou les sons, j’accompagne les gens vers toujours plus de clarté, d’intégrité et d’autonomie…
Photo : Aris Subowo / Unsplash
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