#34 - 26 juin 2020

Reprise, relance : même combat

Fini le confinement ! Les villes s’animent de nouveau et les externalités négatives liées à la mobilité reviennent. En effet, la présence, même réduite, du virus continue d’exercer une tension sur la mobilité et en particulier sur les transports en commun. Aux États-Unis, certains réseaux de transports collectifs, perçus comme vecteurs de transmission, ont connu une baisse de 80 à 90% de leur fréquentation. Parallèlement, le Center for Disease Control and Prevention, agence fédérale américaine en charge de protection de la santé publique, recommandait récemment aux Américains d’éviter les transports collectifs et de favoriser les déplacements en mode individuel, en particulier l’automobile. Ensuite, cette forte reprise automobile emporte de lourdes conséquences qui vont à l’encontre même des objectifs fixés en matière de décarbonation de la mobilité. En France, une récente étude montrait que Paris était la capitale européenne dans laquelle le rebond des niveaux de pollution de l’air a été le plus brutal. Les voix s’élèvent désormais pour s’assurer que cette relance, et dans le même temps cette reprise des mobilités, soit la plus décarbonée possible. L’enjeu est de taille puisque l’absence d’aide adaptée fait peser sur les transports collectifs, véritable colonne vertébrale de la mobilité urbaine, le risque d’une discontinuité de service.

Comment y remédier ? En France, dans un récent courrier, le Groupement des autorités responsables de transport avertissait du risque que certaines autorités organisatrices de mobilité (AOM) ne soient plus en mesure de respecter leurs obligations contractuelles vis-à-vis de leurs délégataires. Elles pourraient ainsi se trouver dans l’obligation de réduire le montant voire d’interrompre le versement de leur contribution forfaitaire, entraînant de fait un arrêt du service public de mobilité. Pour pallier ce risque, plusieurs plans de sauvetage ont été évoqués par des associations d’usagers, des opérateurs et des autorités organisatrices de mobilité… sans que cela remette en cause le système de financement de la mobilité et ses limites.

Autre ambiance à Cincinnati (Ohio) où, en pleine crise épidémique, une majorité de citoyens s’est prononcée en faveur d’une augmentation de 0,8% de la TVA dans le comté d’Hamilton et d’une baisse de 0,3% de la taxe sur les revenus de la municipalité de Cincinnati (principale ressource de financement de la mobilité) pour financer un grand plan de relance des transports conçu avant la crise épidémique. À partir de janvier 2021, cette transformation du système de financement de la mobilité dotera annuellement l’AOM du comté d’Hamilton (817 000 habitants et 1 070 km2) de 130 millions de dollars supplémentaires dédiés au financement des transports en commun (75%) et des infrastructures routières (25%). Cette transformation consacre également la prise en compte de la problématique du financement de la mobilité à une échelle plus vaste que celle de la municipalité puisqu’elle sera désormais pensée à l’échelle du comté, un territoire quatre fois plus vaste.

Si la crise du financement de la mobilité n’est pas nouvelle, l’épidémie de Covid-19 a amplifié ses effets. De plus, cette crise n’a pas effacé les enjeux liés à la décarbonation de la mobilité, bien au contraire : le risque avéré d’une reprise majoritairement automobile peut potentiellement anéantir plusieurs dizaines d’années d’efforts en faveur du développement des transports collectifs et des modes actifs. Ces deux stratégies montrent les ambitions variables des territoires en matière de mobilité et notamment de sa décarbonation. La décarbonation de la mobilité nécessitera des efforts supplémentaires, notamment en matière de financement, puisqu’il convient de déployer des offres de transport décarbonées, notamment en direction des espaces urbains où la mobilité est majoritairement automobile. Les efforts consentis par les villes et autorités publiques sont aussi les révélateurs de leurs ambitions pour faire émerger un modèle de financement compatible avec les injonctions à la décarbonation des mobilités. L’enjeu de la décarbonation mérite sans doute plus que de simples rustines. – Camille Combe, chargé de mission

 

Pas le temps de lire ? L’équipe de La Fabrique de la Cité s’occupe de vous.

« RECONSTRUCTION ÉCOLOGIQUE » – Les travaux de la Convention citoyenne pour le climat se sont conclus ce week-end par l’adoption de très nombreuses propositions, dont plusieurs concernent la rénovation énergétique des bâtiments. Les rénovations pourraient désormais être « globales » et devenir obligatoires pour les bailleurs et les propriétaires occupants. – Marie Baléo, responsable des études et des publications

 Et sur le même sujet : notre note sur la relance verte et la nécessité de considérer la rénovation énergétique à l’échelle de l’îlot et non plus du bâtiment.


“ROTTERDAM, ONWARDS STRONGER”Tel est le nom du plan d’investissement de Rotterdam, d’un montant de 233 millions d’euros, dans 7 projets urbains d’ici 2030. L'objectif de cette opération est d’accroître la surface d’espaces verts et de changer l’image de « cauchemar bétonnisé » de la ville. L'amélioration de la qualité de vie à Rotterdam passe également par la création de logements pour les sans-abris et par des lieux de loisirs permettant la distanciation physique, afin d’endiguer la contagion. – Sarah Cosatto, chargée d’études

→ Et sur le même sujet : l’étape de notre tour du monde des villes en crise (sanitaire) à Rotterdam, où nous avons rencontré Carola Hein, professeur à l’Université de Technologie de Delft.


TRIOMPHAL E-COMMERCE ?
« Véritables carrefours d’audience, les grandes places de marché sortent gagnantes de la crise du Covid-19, qui n’a fait que confirmer la puissance du modèle », affirme Edouard Nattée, cofondateur de Foxintelligence. Ces marketplaces sont les plateformes qui mettent en lien vendeurs et acheteurs. Ainsi, l’e-commerce est sorti renforcé du confinement mais Amazon n’a pas renoncé à ouvrir en France des supérettes sans caisse « Amazon Go », preuve que vente en ligne et vente physique ne sont pas incompatibles. – Sarah Cosatto

→ Et sur le même sujet : retrouvez nos réflexions sur le futur des rez-de-chaussée commerciaux, abordées lors d’un débat « Rez-de-ville et commerces : le grand bazar ? » le 27 février 2020.


VOUS AVEZ DIT PIÉTON ? – Dans une tribune pour Le Monde, trois responsables du Forum vies mobiles affirment que les politiques de piétonisation des centres-villes renforcent en réalité les artères routières alentour et l’augmentation des capacités de stationnement pour accéder à ces espaces centraux. À rebours du système actuel pensé en îlots, ils plaident pour une politique globale de piétonisation, organisée en réseau. – Romain Morin, assistant de recherche

Et sur le même sujet : notre interview avec Isabelle Baraud-Serfaty, présidente d’ibicity, au sujet des enjeux liés au trottoir en période de crise sanitaire.


RENDRE LES TERRITOIRES CAPABLES – Les crises sont propices à l’énoncé de grands modèles à suivre, souvent ignorants de la complexité des situations particulières. Pourtant, « la réponse pertinente est dans la démultiplication des propositions urbaines et territoriales ; pas dans la promotion d’une panacée spatiale » rappelle Jean-Marc Offner. Il faut rendre les territoires « capables », c’est-à-dire « plus aptes à accueillir la diversité des usages effectifs et potentiels ». – Chloë Voisin-Bormuth, directrice des études et de la recherche

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