#43 - 27 août 2020

Nourrir la ville : vers des villes autonomes en matière alimentaire ?

Le confinement a éveillé une peur qui traverse l’histoire des villes : celle de ne plus avoir de quoi se nourrir. Face à cette crainte s’est imposée l’idée du « manger local ». Pour autant, la sécurité alimentaire va-t-elle nécessairement de pair avec la proximité ? Sur le papier, l’autonomie alimentaire et les circuits courts sont tentants : production et consommation se rapprochent, nous mangeons des fruits et légumes de saison et les produits frais ne font pas des centaines de kilomètres pour arriver jusqu’à nous. C’est écologique et rassurant. Par ailleurs, le confinement a montré qu’il est important de maîtriser son destin alimentaire. C’est une bonne nouvelle que, dans le contexte de vulnérabilité climatique et bien avant la crise du coronavirus, de nombreuses villes aient commencé à se réapproprier la question de l’alimentation. On le voit dans le développement de l’agriculture urbaine, sous toutes les facettes qu’on lui connaît : jardins partagés, rooftops, fermes verticales, permaculture urbaine…

Mais autonomie et sécurité alimentaire ne sont pas pour autant synonymes. Prenons l’exemple de la métropole lyonnaise : son niveau d’autonomie alimentaire est estimé à 6,5% ; seuls 10% de la production agricole du bassin lyonnais y sont consommés. Ce n’est néanmoins pas un problème, car le reste est exporté en France et ailleurs. En réalité, lorsque l’on parle de sécurité alimentaire, c’est la qualité de la logistique et des circuits d’approvisionnement qui est primordiale : plus ces circuits sont diversifiés, plus la sécurité alimentaire est importante. Si le marché international de Rungis est puissant, c’est grâce au mot « international ». Mais quid de l’environnement quand nos aliments sont importés du bout du monde ? Il faut être vigilant vis-à-vis des biais de perception, ici encore. L’analyse de l’empreinte écologique de la chaîne alimentaire peut donner des résultats surprenants. Des études américaines montrent en effet qu’un produit qui est transporté en avion entre Chicago et Boston pourra avoir une empreinte écologique bien plus importante qu’un produit transporté en porte-conteneurs entre l’Asie et la Californie. En somme, si le « manger local » a du bon, seule la multiplicité des sources d’approvisionnement peut garantir la sécurité alimentaire des villes. – Cécile Maisonneuve, présidente

→ Cet édito est issu des chroniques estivales de Cécile Maisonneuve sur France Info : rendez-vous sur les ondes samedi et dimanche pour la diffusion des deux dernières émissions.

 

Pas le temps de lire ? L’équipe de La Fabrique de la Cité s’occupe de vous.

LE CITOYEN ET LE SMART – Le Capgemini Research Institute vient de publier une étude conduite dans 58 villes du monde, intitulée « Street Smart : Putting the citizen at the center of smart city initiatives ». Cette enquête conclut que les projets de smart city sont perçus favorablement par les citadins mais que leur mise en œuvre reste lente, et que « l’utilisation des données des citoyens doit être régie par la protection et la confiance ». – Sarah Cosatto, chargée d’études

→ Et sur le même sujet : nos cahiers qui décryptent les smart cities, un modèle urbain pluriel soulevant des débats singuliers.


HORIZON ZÉRO Le gouverneur de Louisiane a fixé, par décret du 19 août 2020, des objectifs de diminution des émissions de carbone produites dans l’État : une baisse de 26-28% d’ici 2025 et de 40-50% d’ici 2030, afin atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La stratégie devant y conduire sera élaborée par un groupe de travail composé d’experts et d’acteurs du territoire, dans un contexte où l’État opère sa transition énergétique. Quelle est l'échelle appropriée pour planifier la neutralité carbone à long terme ? – Sarah Cosatto

→ Et sur le même sujet : notre projet de recherche sur la ville post-carbone.


VERT ET ROUGE – Aux États-Unis, de nombreux maires projettent de planter des arbres et d’entretenir les espaces verts déjà existants pour rafraîchir leur ville. Au-delà des bénéfices écosystémiques qu’elles engendrent, ces politiques de verdissement urbain participent parfois au renforcement des inégalités entre quartiers riches et pauvres. Ainsi, une récente étude montre que les quartiers issus de la politique discriminatoire du redlining des années 1930 sont plus chauds et moins verts dans 94% des cas. – Romain Morin, assistant de recherche

→ Et sur le même sujet : notre audition, pour l'Université de la Ville de Demain, de Cyril Roger-Lacan, Conseiller d’État et ancien Président-fondateur de Tilia, Patrick Braouezec, Président de Plaine Commune et Thierry Pech, Co-président de la Convention Citoyenne pour le Climat, sur le thème de la ville bas carbone pour tous.


LE RETOUR DE LA MOBILITÉ ?
– À Washington, les transports en commun sont presque revenus à un service normal, équivalent aux niveaux d’avant la crise sanitaire. Leur fréquentation augmente mais reste faible. Selon Alex Karner, professeur à l'Université du Texas, les agences de transport en commun « auront beaucoup à faire pour reconquérir les usagers et en gagner de nouveaux [...]. Ce que les passagers attendent maintenant, c'est de pouvoir entrer et sortir des gares, des bus et des trains le plus rapidement possible ». – Sarah Cosatto


SUNNYSIDE YARD
– Après qu’Amazon a renoncé à bâtir un nouveau siège dans le Queens à New York, des activistes et des législateurs se dressent à présent contre le projet Sunnyside Yard, prévu dans le même arrondissement. Le master plan prévoit 12000 logements abordables, 30 hectares dédiés à des parcs, des écoles et une nouvelle gare. Les opposants au projet rappellent l’expérience des Brooklyn’s Atlantic Yards, où les logements abordables étaient en réalité trop chers pour les habitants du quartier. Affaire à suivre. – Sarah Cosatto

→ Et sur le même sujet : nos travaux sur le lien entre grands projets et démocratie. Comment concevoir une fabrique plus démocratique des grands projets urbains ?

Dernières publications

Twitter
LinkedIn
Website