L’Observatoire
a été informé de la détention arbitraire, de la condamnation et
de la détérioration de l’état de santé de Floriane
Irangabiye,
journaliste, chroniqueuse et animatrice sur Radio
Igicaniro,
un média en ligne de
réfugié·es burundais
qui diffuse des commentaires critiques et des débats sur la
politique et la culture burundaises.
Selon
son entourage, la santé de Floriane Irangabiye s’est fortement
dégradée dans la nuit du 24 au 25 juillet 2023. Mme Irangabiye, qui
est actuellement détenue à la prison de Muyinga dans des conditions
alarmantes, souffre de crises d'asthme récurrentes, dues notamment à
la surpopulation et au manque d'aération des dortoirs, où la
chaleur insupportable est exacerbée par les fumées des poêles à
bois. Floriane Irangabiye souffre également de problèmes dentaires
pour lesquels elle a pu être soignée à l’hôpital de Muyinga le
1er
juin dernier.
Une demande de transfert à la prison de Bujumbura, où les
conditions de détention sont plus conformes aux besoins dus à son
état de santé, a été envoyée à la direction des affaires
pénitentiaires le 31 mai 2023, sans qu’aucune réponse n’y ait
été donnée au moment de la publication de cet Appel Urgent.
L’Observatoire
rappelle que Floriane Irangabiye a été arrêtée le 30 août 2022 à
Matana, dans le Sud du Burundi, par des agents du Service national du
renseignement (SNR), alors qu’elle était
entrée dans le pays
depuis le Rwanda où elle résidait,
pour assister à des funérailles. La journaliste a été emmenée au
siège du SNR à Bujumbura, où elle a subi une semaine
d’interrogatoire avant d’être placée sous mandat d’arrêt le
8 septembre 2022 et d’être transférée à la prison de Mpimba à
Bujumbura. Le 22 septembre 2022, Floriane Irangabiye a été
transférée sans raison précise à la prison de Muyinga, à 200
kilomètres de Bujumbura où réside sa famille.
Le
17 novembre 2022, Floriane Irangabiye a été officiellement inculpée
par le Tribunal de Grande Instance de Mukaza pour « atteinte à
l’intégrité du territoire national » (article 611 du Code
pénal burundais). Il lui est notamment reproché d’effectuer
fréquemment des aller-retours entre le Rwanda et le Burundi,
prétendument afin de récolter des informations dans le but de
déstabiliser l’ordre public, d’avoir animé une émission sur la
radio Igicaniro
en août 2022 incitant la population à mener un mouvement
insurrectionnel similaire à celui de 2015,
et d’avoir participé à diverses réunions organisées par la
société civile burundaise.
Le
2 janvier 2023, le Tribunal de Grande Instance de Mukaza a condamné
Floriane Irangabiye à dix ans de prison et une amende d’un million
de francs burundais (environ 317 Euros) pour « atteinte à
l’intégrité du territoire national », condamnation
confirmée par la Cour d’appel de Mukaza le 2 mai 2023. Le 13 juin
2023, les avocats de Mme Irangabiye se sont pourvus en cassation
contre cette décision mais
aucune audience
n’est prévue à ce jour. Au moment de la publication de cet Appel
Urgent, Mme Irangabiye est toujours détenue à la prison de Muyinga.
Outre
les mauvaises conditions de détention qui font peser un risque sur
sa santé, la sécurité de Floriane Irangabiye n’est pas garantie
au sein de la prison de Muyinga. Le 12 janvier 2023, Floriane
Irangabiye a subi des menaces de la part d’un codétenu alors
qu’elle se trouvait dans la
cour
commune de la prison. Celui-ci aurait
été encouragé par le directeur
de
la prison. Après avoir été informé de l’incident, le gouverneur
de la province de Muyinga s’est rendu à la prison et a exigé le
transfert du codétenu mis en cause, sans que cette demande n’ait
été suivie d’effets. Le 16 mai 2023, Floriane Irangabiye a été
agressée physiquement et verbalement par le directeur de la prison
accompagné de quatre policiers et deux personnes en civil munies
d’une caméra et d’appareils photos pour enregistrer
les
images de la scène.
L’Observatoire
dénonce la détention arbitraire et la lourde condamnation de
Floriane Irangabiye, qui ne semblent viser qu’à la sanctionner
pour l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression
et pour ses prises de position en faveur des droits humains, et
appelle les autorités du Burundi à la libérer immédiatement.
L’Observatoire
exprime par ailleurs
sa
plus vive inquiétude face à la dégradation de l’état de santé
en détention de Floriane Irangabiye et enjoint les autorités
burundaises à lui donner accès à des soins de santé adéquats et,
à cette fin,
à la transférer immédiatement à la prison de Bujumbura, où les
conditions de détention sont plus favorables à son état de santé.
L’Observatoire
appelle enfin les autorités burundaises à garantir le respect du
droit à la liberté d’expression, tel que consacré dans plusieurs
instruments internationaux de droits humains, et notamment à
l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
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