#48 - 2 octobre 2020

Numérique et transition énergétique : en finir avec le paradoxe de l’Internet

Le paradoxe de l’internet est bien connu : les internautes s'exposent de plus en plus dangereusement sur les réseaux sociaux, installent des applications qui permettent de les suivre à la trace, de savoir ce qu’ils mangent, ce qu’ils achètent… tout en s'inquiétant de la surveillance de leurs données personnelles. Rien de nouveau sous le soleil sinon que ce paradoxe se renforce : plus l’exposition est forte avec la numérisation croissante de nos activités, plus l’inquiétude grandit quant à la collecte et aux usages de ces données. Dans le double contexte d’une crise sanitaire qui accélère l’emprise des données sur nos vies et nos organisations et d’une crise écologique qui exacerbe l’envie d’agir des individus, comment le résoudre ?

La microéconomie a depuis longtemps répondu à cette question à travers le thème des arbitrages intertemporels : le choix que nous faisons de surexposition sur les réseaux sociaux ou de consentement à partager des données qui rendent nos vies transparentes aux opérateurs de services numériques nous procure un gain immédiat, facile à obtenir (notoriété, services de mobilité…), alors que les risques associés sont perçus comme aléatoires et de moyen à long terme.

C’est a contrario ce qui pourrait expliquer les débats autour des compteurs communicants en France, et notamment de Linky : le gain immédiat n’est pas perçu tandis que les risques associés sont considérés comme importants et de court terme. Et pourtant l’observation de ce qui est en train de se passer sur d’autres marchés énergétiques européens – Pays-Bas, Allemagne, Suède, Norvège ou Royaume-Uni – est riche d’enseignements. Des startups se multiplient qui proposent des offres mêlant produits de la transition énergétique (panneaux solaires, chauffe-eau, pompe à chaleur, bornes de chargement de véhicules électriques) et services (température du domicile, maintenance, minimisation de la facture), qui donnent corps au concept d’« energy-as-a-service ». Inutile de souligner qu’au travers de l’ensemble de ces appareils connectés en aval du compteur, ce sont des données personnelles sensibles – celles de l’intimité de notre domicile – qui sont collectées et agrégées en masse, qui plus est en temps réel.

Ces nouveaux modèles ne cessent pourtant de s’étendre : pourquoi ? Loin du « consomm’acteur » annoncé depuis des années, loin du technophile passionné par tous ces objets connectés qui se multiplient dans nos domiciles ou du citadin militant – profils très minoritaires comme le montrent les travaux de sociologie de l’énergie, le consommateur d’énergie aime la simplicité, son confort… et ne pas faire d’effort. Ces nouveaux acteurs qui interviennent sur le marché le lui permettent, mettant en sommeil le citoyen soucieux du respect de sa vie privée, par ailleurs protégée par un arsenal législatif solide (RGPD). Ce faisant, en poursuivant son intérêt particulier, notre consommateur citoyen, en digne héritier d’Adam Smith, contribue aussi à la flexibilité et à la stabilité des réseaux ainsi qu’à éviter de lourds investissements dans le redimensionnement des réseaux. Il devient ainsi un agent, certes passif, mais fondamental, de l’intérêt collectif. C’est une bonne nouvelle pour la transition énergétique car, en s’appuyant sur l’humain tel qu’il est et non pas sur un humain idéal qui n’existera jamais que par la coercition, elle sera d’autant plus rapide et efficace. – Cécile Maisonneuve, présidente

 

Pas le temps de lire ? L’équipe de La Fabrique de la Cité s’occupe de vous.

« TOULOUSE, TERRITOIRE D’AVENIR » La commission portant ce projet prospectif, présidée par Marion Guillou et parrainée par Jean Tirole, vient de rendre ses conclusions. Afin de faire de la métropole « un territoire plus durable, plus inclusif, et plus innovant dans l’avenir », la commission a fait onze propositions qui visent à renforcer l’excellence et l’attractivité du territoire ainsi qu’à en faire un pôle majeur non seulement de l’aéronautique et du spatial mais aussi du climat et de la tech. – Cécile Maisonneuve

 
QUAND ON ARRIVE EN VILLE – Les tensions sur les marchés du logement dans les métropoles mondiales seraient davantage dues à l’inadéquation entre offre et demande en matière de localisation, de standing et de taille des logements qu’à leur nombre. À ce titre, la politique japonaise en matière de logement, qui prévoit l’application locale de lois de zonage nationales, semble se démarquer des modèles anglo-saxons plus décentralisés et aurait contribué à faire de Tokyo une ville plus abordable que les autres villes de son rang. – Romain Morin, assistant de recherche

→ Et sur le même sujet : notre rapport sur les stratégies déployées par de grandes métropoles européennes pour créer du logement abordable.


RÉGULER LA CONGESTION : UNE APPROCHE PAR LA DEMANDE – Les villes d'Amérique latine sont parmi les plus encombrées du monde. Selon l'International Transport Forum, Les stratégies de tarification de la congestion et de gestion de la demande peuvent remplacer les taxes moins efficaces imposées aux automobilistes. – Cécile Maisonneuve

→ Et sur le même sujet : notre rapport sur le financement de la mobilité dans un monde post-carbone et son outil en ligne associé pour découvrir des solutions concrètes de financement.


VUE SUR LA CITY Si certaines villes ont renoncé à certains aménagements mis en œuvre lors du confinement, les transformations opérées dans le quartier d’affaires de la City, à Londres, semblent, pour le moment, pérennes. Dans cette partie de la ville qui comporte des rues anciennes, étroites et très passantes, les trottoirs ont été élargis et les routes réduites voire fermées afin de résoudre les problèmes de sécurité routière et d’améliorer la qualité de l’air. Durera ou ne durera pas, « that is the question ». – Sarah Cosatto, chargée d’études

→ Et sur le même sujet : notre projet d’étude « À travers les villes en crise » dans lequel vous retrouverez des éditos, notes et interviews consacrés au sujet de l’adaptation des villes à la pandémie.


METTRE LA MOBILITÉ AU SERVICE DE L'ÉGALITÉ SOCIALE ET DE L'EMPLOI : L'EXEMPLE DE BOGOTÁ – Améliorer les transports publics a un impact direct sur l'équité. Cela peut être mesuré par l'évolution en termes d'accès aux opportunités de populations aux bas revenus et à l'amélioration de la qualité de l'air et de la sécurité routière à Bogotá, comme le montre dans un récent article Juan Pablo Bocajero, ancien Secrétaire à la Mobilité de la ville et professeur à l'Université de Los Andes. – Cécile Maisonneuve

→ Et sur le même sujet : l’interview de Laurent Vigneau, Directeur de la Recherche et de l’Innovation chez Artelia, au sujet des différences en matière de mobilités actives à Paris et Amsterdam.


À QUAI
Le sanctuaire marin national des Keys, en Floride, a obtenu trois questions référendaires aux prochaines élections afin d’encadrer la venue des bateaux de croisière dans son enceinte, en limitant notamment le nombre de bâtiments et de passagers autorisés à débarquer mais aussi en privilégiant les bateaux qui disposent de meilleures performances environnementales. Les villes de Santorin, en Grèce, de Venise ou de Cannes ont elles aussi instauré des restrictions relatives à ces pratiques touristiques. – Sarah Cosatto

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