#56 - 27 novembre 2020

Les villes moyennes, des villes charnières en adéquation avec les aspirations des Français

La crise sanitaire et plus particulièrement l’expérience du confinement vont-elles signer le coup d’arrêt de la métropolisation et contribuer au renforcement des villes petites et moyennes ? Ont-elles inversé ou renforcé l’image que se font les Français des villes moyennes ?  Pour mettre à jour les ressorts des relations qu’entretiennent les Français avec ces dernières, La Fabrique de la Cité a commandé aux instituts de sondage Kantar et Potloc une étude nationale et locale (Toulouse, Cahors, Charleville-Mézières et Quimper) dont Emmanuel Rivière, directeur général de la division Public de Kantar, a présenté les résultats à l’occasion de la première édition des Rencontres des villes moyennes, les 25 et 26 novembre 2020.

Ce sondage confirme que « l’attractivité des différents territoires est inversement proportionnelle à leur densité » (la campagne étant pour 56% des Français le lieu de vie idéal), contredisant ainsi  l’idée selon laquelle les Français associeraient les villes moyennes au déclin où à l’ennui. Bien au contraire : les Français en ont une image très positive ; 48% d’entre eux les estiment plus dynamiques sur le plan économique qu’il y a une dizaine d’années et 56% les jugent aussi plus attractives.

C’est peut-être là le résultat le plus étonnant de ce sondage. D’un côté, il fait apparaître un réel problème de définition de la ville moyenne : près de la moitié des Français estime qu’une ville moyenne compte moins de 20 000 habitants, quand elle en compte en réalité, selon l’INSEE, entre 20 000 et 200 000. Parmi les habitants des villes moyennes, seule la moitié a le sentiment de vivre dans une ville moyenne, 30% déclarant vivre dans une petite ville et 13% dans une grande ville. De l’autre, il existe un vrai consensus quant aux services qu’offrent les villes moyennes. Elles apparaissent ainsi comme un pôle fonctionnel structurant, occupant une véritable place dans l’armature urbaine française.

Ainsi, le statut de villes charnières dont bénéficient les villes moyennes séduit aussi bien les habitants des grandes que des petites villes. Par les opportunités qu’elles offrent, les villes moyennes concilient en effet le meilleur des deux mondes : elles concentrent à la fois les atouts des grandes villes, notamment la présence de services publics, de commerces et d’une certaine dynamique d’innovation (44% des habitants de petites villes souhaiteraient habiter dans une ville moyenne pour vivre dans un endroit plus dynamique), et les avantages des plus petites villes ou de la campagne, à savoir un coût de la vie plus abordable, des logements plus spacieux et la proximité à la nature (41% des habitants de grades villes souhaiteraient habiter dans une ville moyenne pour vivre dans un droit plus calme et 33% pour se rapprocher de la nature). La proximité à la nature occupe une place centrale dans les aspirations de tous les Français, au point qu’Emmanuel Rivière évoque à ce sujet un « appel de la forêt ».  84% des Français disent à ce titre préférer la maison à l’appartement, et 45% d’entre eux une maison de campagne avec jardin s’ils avaient la possibilité d’en avoir une.

La crise sanitaire et les épisodes de confinement vont-ils avoir pour conséquence un exode des grandes villes vers les villes moyennes ? 21% des Français disent envisager de quitter leur lieu de vie. Cette envie est toutefois particulièrement marquée chez les habitants des grandes villes, dont 30% souhaitent en partir, voire même 36% pour les habitats de l’agglomération parisienne, pour seulement 12% des habitants des petites villes et 21% des habitants des villes moyennes. L’agglomération parisienne fait ainsi office de repoussoir, puisque seulement 14% des sondés aimeraient y vivre à l’avenir. Pour autant, ces pourcentages ne sont que le reflet d’une aspiration et non la mesure d’un changement effectif de lieu de résidence. Il apparaît que pour ceux qui ont effectivement rejoint une ville moyenne, le motif premier était l’emploi (38%), suivi du calme (30%) et du rapprochement familial (24%).

Ce sondage fait ainsi apparaître une dichotomie persistante entre une aspiration à un certain mode de vie et d’habiter et la réalité de l’accès à l’emploi dans les villes, qui n’a toutefois rien d’une fatalité. Ce sondage montre en effet également que ces « villes charnières » présentent de nombreux atouts pour développer ou conforter leur statut de territoire attractif, avec comme clé de réussite le rôle de pivot entre les grandes et les petites villes. – Chloë Voisin-Bormuth, directrice de la recherche, et Sarah Cosatto, chargée d’études

 

Pas le temps de lire ? L’équipe de La Fabrique de la Cité s’occupe de vous.

TÉLÉTRAVAIL – Une enquête du Bureau du plan belge montre qu'exploiter le plein potentiel du télétravail (39% des salariés) induirait une redistribution plutôt qu’une diminution du nombre de kilomètres parcourus puisqu’un tel scénario entraînerait une baisse de… 1,2% des passagers-kilomètres totaux parcourus en Belgique en 2040. – Camille Combe, chargé de mission

→ Et sur le même sujet : la note « Derrière les mots : le télétravail », qui explore les promesses et effets du télétravail sur la mobilité.


UN TOURNANT POUR LA GARE DU NORD
La SNCF et la SA Gare du Nord 2024 ont annoncé le 23 novembre 2020 la modification sur cinq points du projet de modernisation de cette gare. Pour obtenir à nouveau l’accord de la Ville de Paris, le groupement a ainsi réduit les surfaces commerciales et de services d’environ 15%, abandonné l’installation d’espaces de bureau et la séparation entre flux de départ et d’arrivée, et prévu « une ouverture de la gare vers le 18e arrondissement » grâce à une passerelle. – Sarah Cosatto, chargée d’études

→ Et sur le même sujet : notre projet d’étude sur le lien entre grands projets d’infrastructures et d’aménagement urbain et démocratie. Suivez nos actualités pour découvrir très prochainement notre rapport sur le sujet.


WORK IN PROGRESS – La pandémie a entraîné des pertes massives d'emplois et de revenus à toutes les échelles. Et si les villes étaient les bons acteurs pour « identifier les besoins futurs en main-d'œuvre, créer des partenariats efficaces et fournir les bonnes opportunités de formation » ? Pour relancer son économie, Singapour a ainsi développé un programme de requalification pour 100 000 personnes afin de répondre à ses besoins de long terme, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. – Sarah Cosatto


DÉFINIR POUR AGIR – En France, le logement social ne répond pas, seul, au défi de la vulnérabilité résidentielle. À ce titre, Margot Bergerand, doctorante en urbanisme et aménagement, s’intéresse au « parc social de fait » et au débat entourant sa définition : celle d’une offre de logement qui s’impose parfois comme la seule option des plus précaires. Cette situation soulève des interrogations sur les conditions d’existence d’un tel marché et sa prise en compte « comme problème et catégorie d’action publique ». – Romain Morin, assistant de recherche

→ Et sur le même sujet : notre projet de recherche sur le logement abordable dans les métropoles européennes en croissance.


LEADERSHIP LOCAL
Une récente publication du think tank américain Brookings rapporte que « la coopération de ville à ville et les réseaux de villes ont fourni une source de leadership collaboratif, de soutien mutuel et d'échange de connaissances » durant la crise sanitaire. Cependant, les villes voient ce leadership limité par des compétences circonscrites et des moyens financiers diminués. – Sarah Cosatto

→ Et sur le même sujet : notre édito « ‘Villes de tous les pays, unissez-vous’ : les villes sauveront-elles la planète ? ».

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