Chère lectrice, cher lecteur,
Lors du Swiss-Food-Talk du 24 février 2021, trois spécialistes reconnues dans le secteur ont répondu aux questions actuelles concernant une alimentation saine et durable. Et elles ont lancé un appel au bon sens.
Saviez-vous qu’au cours de notre vie, nous ingérons près de 100 tonnes d’aliments solides et liquides? Ceci implique néanmoins au préalable que nous disposions de suffisamment de nourriture pour nous alimenter toute notre vie. Jusqu’ici, cela a toujours plus ou moins fonctionné. Mais la population mondiale ne cesse de croître. En Suisse aussi, la population augmente. Selon les prévisions de swissfuture, notre pays pourrait compter 10 millions d’habitants d’ici 2031. Cependant, les surfaces cultivables n’augmentent pas, et elles ont au contraire tendance à diminuer. C’est pour cette raison que l’on réclame des solutions, afin que nous aussi puissions garantir à l’avenir l’approvisionnement en aliments sains et d’excellente qualité, si possible issus de notre région.
L’importance d’une alimentation saine est encore démontrée par l’augmentation actuelle de maladies liées à l’alimentation. Les questions de productivité et de durabilité prennent ainsi une signification croissante. Les bilans écologiques des aliments sont très variés. «Près d’un tiers des émissions de CO2 dans le monde sont dues à l’alimentation. L’apport de protéines et d’alternatives à la viande ainsi qu’aux protéines animales, mais aussi la lutte contre le gaspillage alimentaire sont des sujets pour lesquels nous avons besoin de solutions», affirme Madame Christine Brombach, professeure à la Haute école des sciences appliquées de Zurich. «Dans les menus de la population suisse, les produits laitiers et les sucreries totalisent 36 % de l’ensemble. Les boissons sucrées et la viande rouge représentent près de 20 %. Et 20 % supplémentaires proviennent de l’alcool, de la viande, et des féculents. Quant aux fruits, aux légumes, aux fruits à coque et au poisson, ils représentent 24 %», poursuit-elle.
La question qui se pose est donc la suivante: Comment peut-on s’alimenter de façon saine et durable? «Si nous diminuons la consommation de denrées alimentaires et les déchets alimentaires, que nous limitons la consommation de viande pour manger plus de légumes et de légumineuses et que nous achetons, cuisinons et stockons de façon cohérente, alors nous serons en mesure de nous alimenter de manière saine et durable. Et une chose essentielle: les aliments doivent être de qualité, et surtout ils doivent provenir de la région. « Lorsque la Suisse figure sur l’emballage, le produit doit absolument être d’origine suisse », explique la nutritionniste de la Haute école des sciences appliquées de Zurich. Cette exigence vaut aussi bien pour l’agriculture conventionnelle que pour l’agriculture biologique.
Babette Sigg, présidente du Forum suisse des consommateurs (kf), connaît parfaitement le comportement alimentaire et les habitudes d’achat des consommateurs. «En ce qui concerne la question controversée de l’alimentation, les consommateurs présentent très souvent des connaissances de base lacunaires. Seule une personne bien informée peut acheter correctement et se nourrir sainement. Nous doutons bien trop fréquemment à cause d’articles de journaux ou de rapports quelconques». Le sujet controversé de l’agriculture biologique en est un bon exemple. En Suisse, chaque consommateur dépense environ 377 francs par an en aliments bio. La part du bio dans le marché suisse des denrées alimentaires s’élève à 10,3%, soit 3,2 milliards de francs. Cependant, il serait absolument inconcevable de ne nourrir la Suisse qu’avec des aliments biologiques.
Pour garantir, en Suisse, une sécurité alimentaire constituée d’aliments sains et d’excellente qualité, l’agriculture conventionnelle joue un rôle essentiel. Interdire les produits phytosanitaires de synthèse réduirait drastiquement l’offre alimentaire en Suisse, tout en entraînant une hausse des prix. Les rendements agricoles diminueraient, tandis que la production nécessiterait plus de travail. Il en résulterait une réduction sensible de l’offre en aliments de la région, s’inquiète Babette Sigg, prenant ainsi une position claire concernant les deux initiatives agricoles soumises au vote en juin. «Afin de garantir des aliments de bonne qualité, l’utilisation de produits phytosanitaires modernes est indispensable. En outre, des aliments de qualité préviennent le gaspillage alimentaire».
Dr. Martina Gebhart, médecin chef du centre nutritionnel de l’hôpital St. Clara à Bâle, suit étroitement chaque jour le thème de l’alimentation. Dans la cuisine de l’hôpital, ce sont en effet près de 1300 repas qui doivent être préparés quotidiennement. Les aliments nécessaires à cet effet proviennent d’abord de la région, et plus précisément de la Suisse pour ce qui concerne la viande, de l’Alsace voisine pour la volaille, et directement de Suisse ainsi que de Bremerhaven (Allemagne) pour le poisson frais. Les aliments sont à 90% des produits suisses. Ainsi, une grande attention est prêtée à l'excellente qualité des produits, dont la production est contrôlée et originaire de la région.
Les produits issus de l’agriculture biologique représentent ici entre 15 et 20% du total. À l’hôpital St. Clara aussi on se demande si l’agriculture biologique doit être préférée à l'agriculture conventionnelle. «La valeur nutritive des produits issus de l’agriculture biologique est comparable à celle des aliments issus de l’agriculture conventionnelle. Les légumes cultivés de façon biologique contiennent même un peu moins de protéines et de nitrates. La viande issue de l’élevage biologique contient plus d’acides gras polyinsaturés et d’acides gras oméga-3», indique la nutritionniste.
La question de ce qu’on appelle les «compléments alimentaires» est aussi importante. «À l’hôpital, environ un patient sur quatre présente une carence alimentaire. Celle-ci peut être corrigée, voire éliminée à l’aide des compléments alimentaires appropriés. Ici, peu importe qu’il s’agisse d’aliments issus de l'agriculture ou créés en laboratoire. Ce qui est décisif, ce sont les nutriments et la valeur nutritive. Des études démontrent en effet l’efficacité des compléments alimentaires». Martina Gebhart lance elle aussi un appel à la raison: «Le plaisir de manger est absolument essentiel à la santé. Nous ne devrions pas permettre que de quelconques études douteuses nous fassent perdre notre plaisir à manger».
La rédaction de swiss-food.ch
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