L'édito de Vincent
Merci pour vos nombreux retours concernant la tribune de Robin publiée la semaine dernière sur cette même newsletter. Le logement abordable, comme classe d’actifs à part entière, intéresse de plus en plus les professionnels de l’immobilier et c’est pourquoi nous consacrons cette semaine un focus aux chiffres clés du logement intermédiaire en France.
La newsletter Real Estech, que vous recevez tous les mardis matin, a vocation à traiter autant d’immobilier résidentiel que d’immobilier commercial. Notre objectif : vous aider à mieux appréhender les grandes tendances macroéconomiques qui ont un impact sur les différentes classes d’actifs de notre industrie.
Aussi, nous nous intéressons cette semaine à un risque d'apocalypse que les observateurs n’avaient peut-être pas assez anticipé. On nous prédisait depuis des années la fin du commerce physique, le fameux retail apocalypse, mais celui-ci n’a pas encore eu lieu (voir notre focus sur ce sujet ci-dessous). En revanche, retrouvez ci-dessous une étude très documentée du NBER (National Bureau of Economic Research) qui quantifie, pour la première fois, l’impact du télétravail sur la valeur des immeubles de bureaux. Apocalyptique, ou presque, surtout pour les immeubles de mauvaise qualité.
A retrouver également dans cette newsletter : Crédit Suisse qui vend ses bijoux de famille, un interview vidéo du président d'Edgar Suites, les tops (Cette Famille, Cadre, The Oasis Group et Matera) et le flop (Pacaso) de la Proptech mondiale.
Bonne lecture et à mardi prochain !
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Focus #1 |
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La bonne résilience de l’immobilier de commerce aux Etats-Unis grâce à une consommation qui surperforme la croissance au niveau national |
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Le retail apocalypse annoncé par certains n’a pas eu lieu, même aux Etats-Unis où on anticipait une accélération du e-commerce post-covid. On constate tout d’abord que le nombre de fermetures de points de vente physiques chez les grandes enseignes est tombé à 3 950 en 2021 soit moins qu’en 2020 (environ 10 700 fermetures) mais également en dessous de 2019 (9 300) et 2018 (5 700). En parallèle, les ouvertures sont dynamiques avec 8 100 nouveaux points de ventes en 2021 et 4 400 rien que sur le premier trimestre 2022.
Quelles sont les enseignes qui profitent de ce rebond? On retrouve en premier les hard-discounters généralistes comme Dollar General ou Five Below qui ont respectivement ouvert 2 200 et 1 200 points de vente en 2021. La vente de pièces et accessoires automobiles de rechange est aussi en plein boom. Les leaders AutoZone, O’Reilly et Advance Auto Parts ouvrent des centaines de lieux de vente et représentent à eux seuls 8% des ouvertures. Enfin, des enseignes nées sur internet se développent aussi dans le brick and mortar et boostent la demande. C’est le cas de Warby Parker (opticiens) et Vuori (vêtements pour le sport).
Cet enthousiasme s’explique en partie par la bonne tenue de la consommation aux Etats-Unis depuis le début de l’année 2022. Malgré la hausse des taux, l’inflation, l’incertitude politique et la volatilité des marché, les américains ont, à la surprise générale, augmenté leur consommation de 0,3% entre aout et septembre 2022. C’est même une croissance de 8,2% en comparaison avec septembre 2021. On est proche du taux d’inflation ce qui veut dire que la consommation en valeur reste stable.
Comment expliquer ce dynamisme alors même que le pays est techniquement en récession après deux trimestres consécutifs de baisse du PIB, et que le pouvoir d’achat ajusté de l’inflation est plus faible aujourd’hui que début 2020? D'une part, le taux d’épargne est retombé à son plus bas niveau depuis 2008 (3%) ce qui signifie que beaucoup d’américains piochent dans leurs économies. D’autres part, le crédit à la consommation a augmenté de 8% entre juillet 2021 et juillet 2022, une hausse en glissement annuel que nous n’avions pas observée depuis 2011.
🔢 Chiffres à retenir :
- Au Q1 2022, il y a eu 7 fois plus d'ouvertures de magasins que de fermetures aux Etats-Unis
- La consommation, ajustée de l'inflation, reste stable aux Etats-Unis sur l'année 2022 malgré les nombreuses incertitudes (entre -0,4% et +0,4% selon les estimations)
- Le taux d'épargne aux Etats-Unis est passé de 10% en juillet 2021 à 3% en juillet 2022
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NRF |
U.S. retailers announced nearly seven times as many store openings as closings in the first quarter of 2022
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Reuters |
U.S. retail sales unchanged; consumers showing resilience
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Focus #2 |
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L’effondrement des prix des bureaux, l'étude choc du National Bureau of Economic Research |
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Suite à notre chiffre d’il y a deux semaines sur la part de la hausse de la valeur des logements imputable au télétravail, nous nous intéressons cette semaine à son impact sur la valeur des immeubles de bureaux. Une étude du très sérieux National Bureau of Economic Research essaye pour la première fois de quantifier cet impact. Food for thought comme on dit mais le résultat a de quoi laisser pantois.
En examinant les évolutions sur l'occupation des bureaux, les taux de renouvellement des baux, les durées des baux et les loyers du marché, Arpit Gupta de la NYU Stern School of Business, Vrinda Mittal de la Columbia Business School et Stijn Van Nieuwerburgh de la Columbia University Graduate School of Business ont établi que la valorisation des immeubles de bureaux aux Etats-Unis pourrait s’effondrer de 519 milliards de dollars à court-terme et 454 milliards à un horizon d’une dizaine d’années.
La baisse n’est évidemment pas uniforme, les immeubles de bureaux de meilleure qualité (A+ dans la méthodologie américaine) seraient quelque peu immunisés contre ces tendances avec une baisse de seulement 38%, tandis que les immeubles de bureaux de qualité inférieure (A-/B/C) connaissent des fluctuations beaucoup plus spectaculaires descendant jusqu’à -69%. Leur modèle a été testé sur la ville de New York où ils estimaient une baisse de 28% de la valeur des bureaux à long terme. Pour mémoire, le parc de bureaux de New-York représente près de 11% du parc de bureaux du pays en valeur. Ces changements de valorisation ont des répercussions sur les finances publiques locales et la stabilité du secteur financier.
S’il faut prendre ces chiffres avec des pincettes, après tout cette classe d'actif reprend des couleurs au fur et à mesure que les gens reviennent au bureau et la perspective de faire quelques économies de chauffage pourrait bien accélérer le mouvement, il n’en reste pas moins que les experts en valorisation/évaluation vont sérieusement challenger les gestionnaires d’actifs concernant les actifs de bureau de leurs portefeuilles.
🔢 Chiffres à retenir :
- En raison de la hausse du télétravail, la valeur des immeubles de bureaux pourrait s'effondrer de plus de 400 milliards de dollars à moyen-terme
- Uniquement dans la ville de NYC, cette perte de valeur se chiffrerait à 50 milliards de dollars
- La vacance des immeubles de bureaux à NYC est passé de 8% au Q1 2019 à 15% au Q2 2022
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NBER |
Work From Home and the Office Real Estate Apocalypse
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Bloomberg |
New York City’s Empty Offices Reveal a Global Property Dilemma
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400 M CHF, c’est la valeur du dernier bijou de famille dont Crédit Suisse a du se séparer. Alors que son cours de bourse a perdu 40% en 6 mois, et que les investisseurs et analystes spéculent sur une éventuelle banqueroute, la banque helvète vient de mettre en vente un de ses trophy asset, l’hôtel Savoy situé sur la Paradeplatz en plein cœur du district financier de Zurich. L’hôtel 5-étoiles de 184 ans fait actuellement l’objet d’un restructuration lourde et devrait rouvrir en 2024 sous l’enseigne Mandarin Oriental.
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Focus #3 |
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Les chiffres clés du logement intermédiaire en France |
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In’li, filiale du groupe Action Logement, a réaffirmé la semaine dernière son objectif de 80 000 nouveaux logements intermédiaires en l’espace de 10 ans. Ce type de logements, dont nous avons déjà parlé dans plusieurs newsletters Real Estech, reste encore mal connu des professionnels de l’immobilier. Quelques éléments pour y voir plus clair.
Le statut du logement locatif intermédiaire (LLI) a été créé en 2014. Il constitue un segment spécifique de l’offre locative de logements, destiné aux ménages des classes moyennes et aux jeunes actifs dans les zones tendues. La décote moyenne en termes de loyers n’a pas beaucoup de sens et il est plus intéressant de regarder de près le patrimoine d’In’li, un des leaders du marché. 83% de ses logements sont loués avec une décote supérieure à 15%, dont 47% avec une de décote d’au moins 30%. Le gain mensuel moyen est de 270€ pour les locataires qui sont à 53% des cadres qui ont moins de 40 ans dans 84% des cas.
Le nombre de logements intermédiaires a dépassé les 200 000 courant 2022, ce qui peut paraitre bien maigre à côté des 5 millions de logements sociaux. Ces logements intermédiaires sont exclusivement situés dans les zones tendues où l’écart entre le loyer libre et le loyer social est si important qu’il est légitime de créer une strate entre les deux. On peut estimer à 10 000 le nombre de nouveaux logements intermédiaires livrés chaque année à l’échelle nationale, avec une part de VEFA d’environ 80%.
Qui sont les principaux acteurs du marché? Les deux leaders incontestés sont CDC Habitat et Action Logement (dont in’li) qui détiennent respectivement 100 000 et 70 000 logements intermédiaires. Paris Habitat et ICF Habitat sont les seuls autres bailleurs à disposer d’au moins 10 000 unités, et on voit arriver sur le marché des nouveaux entrants comme Groupe Arcade, Goupe Logement Français, Vilogia et RIVP. Contrairement aux apparences, cette classe d’actifs n’est pas réservée aux investisseurs de la sphère publique. D’une part, il est tout à fait possible pour une foncière privée d’acquérir des logements intermédiaires et de bénéficier des avantages du produit (principalement TVA réduite et exonération de taxe foncière) en contrepartie de la décote de loyers qui est obligatoire. C’est le cas par exemple de la foncière Powerhouse Habitat. D’autre part, on voit fleurir des partenariats financiers entre des institutionnels et des acteurs du logement social pour créer des portefeuilles de logements intermédiaires. In’li s’est par exemple successivement associé avec Axa IM (transaction Cronos, 19 000 logements à horizon 10 ans), Agarim/Allianz (opération d’Usufruit Locatif Intermédiaire) et Primonial/midi2i/ProBTP (foncière APEC, 600/700 logements neufs par an).
🔢 Chiffres à retenir :
- Il y a 200 000 logements intermédiaires en France, 25 fois moins que des logements sociaux
- La VEFA représente 80% des logements intermédiaires livrés chaque année, contre 20% pour la maitrise d'ouvrage directe des bailleurs
- Axa IM et In'li veulent atteindre l'objectif de 19 000 logements intermédiaires au sein de leur foncière à horizon 10 ans
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Les Echos |
Classes moyennes : In'li promet jusqu'à 6.000 logements par an
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Capital |
Logement intermédiaire : personnes concernées et démarches
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Les proptech au top
En France :
- CetteFamille, une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui promeut un modèle original de maisons partagées pour seniors, accueille désormais à son capital le Crédit Agricole Normandie et La France Mutualiste. L’objectif est d’ouvrir 500 nouvelles maisons d’accueil avec entre 6 et 10 habitants par maison d’ici 2026.
- Créée en 2016 dans l’Orne
- 18 résidences actuellement en exploitation dans 5 régions différentes
- The Oasis House lève 7M€ pour développer une collection de maisons de campagne afin d’y organiser des séminaires pour les entreprises. Otium Capital et d'autres investisseurs privés participent au tour de table.
- La startup a déjà acquis 3 maisons et souhaite atteindre 10 unités en 2023
- Les maisons aujourd'hui gérées compte entre 7 et 11 chambres
- Les maisons doivent être situées à moins d'une heure et demie de Paris
- Matera, la startup qui équipe en logiciels les syndics bénévoles, annonce une stratégie de diversification dans la gestion locative. Il s'agira d'un logiciel maison d'assistance pour les propriétaires bailleurs, moyennant un abonnement mensuel qui correspond à 4 % des loyers perçus.
- Cadre, la fintech spécialisée dans l’investissement immobilier, lance son premier REIT (Real Estate Investment Trust) approuvé par la SEC et qui sera donc ouvert aux investisseurs non accrédités. Le fonds Cadre Horizon Fund, avec des tickets d’investissement minimum de 1.000$, s’appuie sur 2 réglementations américaines qui régissent le crowd-funding d’une part et l’investissement en « club » (Act 40).
- Créée en 2014 par un ancien banquier de Goldman Sachs et Blackstone.
- Le premier fonds de Cadre avait levé 300 M$ auprès d’investisseurs accrédités (institutionnels et high networth individuals) avec des tickets minimum de 25.000$.
- Environ 5 Md$ de transactions gérées depuis sa création.
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Les proptech qui flop
Aux Etats-Unis :
- Les semaines se suivent et les (mauvaises) nouvelles dans la Proptech outre-Atlantique se ressemblent… cette semaine, c’est Pacaso, qui licencie une centaine d’employés, soit 30% de son staff. L’ancienne licorne (valorisée 1,5 Md$ il y a 10 mois) spécialisée dans la co-détention de résidences secondaires subit la baisse de valeur des luxueuses propriétés de vacances, l’augmentation des taux d’intérêt et la perspective de récession qui n’incite pas les acheteurs à investir dans de l’immobilier de loisir.
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La vidéo de la semaine - 9 minutes |
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Interview de Xavier O'Quin, président d'Edgar Suites |
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Xavier O'Quin, président d'Edgar Suites, revient sur les opérations de recyclage urbain menées par sa société. En transformant des bureaux obsolètes en suites hôtelières adaptées aux nouveaux usages, cette startup met en avant son impact positif sur les villes où elle est présente. La société, qui a levé 104 millions d'euros auprès de BC Partners, a annoncé cette semaine vouloir doubler son patrimoine (aujourd'hui 400 suites urbaines) d'ici cinq ans.
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