Chère lectrice, cher lecteur,
Le mot de pesticide suscite la méfiance chez beaucoup de gens. D’une part, pour cause d’idées reçues, dues à l’influence des médias et, d’autre part, par ignorance, la plupart des gens ne s’occupant pas d’agriculture au quotidien. Lors des entretiens Swiss-Food, des experts de BASF et de scienceindustries ainsi qu’un maraîcher ont discuté sécurité des produits phytosanitaires. Leur constat: les conséquences négatives sur l’être humain et l’environnement sont souvent démesurément exagérés.
Saviez-vous qu’avec les médicaments, les produits phytosanitaires font partie des substances les mieux étudiées? Ou qu’un produit phytosanitaire doit satisfaire à environ 800 exigences avant d’être autorisé et qu’il faut soumettre plus de 200 études? Ou que l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse influence favorablement l’écobilan des produits agricoles que nous consommons en Suisse?
Le fait est là: les récoltes ne pourront jamais être totalement protégées. Chaque année, les adventices, les parasites et les maladies phytosanitaires détruisent entre 20 et 40 pour cent des récoltes. Sans l’utilisation de produits phytosanitaires, ce chiffre serait deux fois plus haut. Si les produits phytosanitaires sont importants, c’est aussi parce que seules des plantes en bonne santé sont capables de profiter des apports en eau et en engrais. Les produits phytosanitaires préservent donc les ressources. Et seules des plantes saines, qui ne contiennent par exemple pas de mycotoxines à l’effet toxique pour l’être humain, sont aussi bonnes pour la santé. La sélection végétale moderne contribue également à la santé des plantes.
Les recherches visant à mettre au point de nouveaux produits phytosanitaires ressemblent à un parcours d’obstacles. Le développement dure plus de dix ans. Avant qu’un nouveau produit phytosanitaire puisse être enregistré, environ 140 000 substances sont testées. Leur innocuité pour l’homme et l’animal est une préoccupation centrale pendant tout le processus. Au terme de celui-ci, la substance active doit satisfaire aux exigences réglementaires: être sans danger lorsqu’elle est utilisée correctement, être dégradable et répondre à des critères toxicologiques et écotoxicologiques.
«On procède à une évaluation scientifique des risques qui comprend le risque toxicologique et environnemental, l’exposition, le comportement environnemental et la sécurité des consommateurs. On évalue aussi si une substance possède des propriétés cancérigènes», explique Uwe Kasten, chef Agricultural Solutions Suisse/Autriche chez BASF Suisse SA. Pour l’être humain, les facteurs de sécurité sont augmentés. «La dose qui est inoffensive pour l’animal en cas d’absorption accidentelle d’une grande quantité ou d’ingestion quotidienne durant toute la vie est divisée par au moins 100 pour l’être humain», précise M. Kasten. Si l’on transpose cet exemple dans le trafic routier, cela signifie que pour une vitesse de 120 km/h, la distance minimale de sécurité entre deux véhicules devrait être multipliée par 100, c’est-à-dire de 6 kilomètres au lieu de 60 mètres. C’est dire à quel point la marge de sécurité est importante pour les produits phytosanitaires.
L’eau en Suisse est de très bonne qualité La qualité des cours d’eau ou de l’eau potable en Suisse est un thème qui revient fréquemment dans les discussions sur les pesticides. De nombreuses études ont été réalisées sur ce sujet. Avec l’Observation nationale de la qualité des eaux de surface (NAWA), l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et les cantons disposent d’un programme de mesure qui permet d’évaluer l’état et l’évolution des eaux de surface en Suisse.
En Suisse, on retrouve toutes sortes de substances dans les cours d’eau (rivières, ruisseaux): des produits phytosanitaires, mais aussi des médicaments, des édulcorants et des agents anticorrosifs. C’est grâce à l’amélioration des techniques de mesure que toutes ces substances peuvent être détectées. Pour les produits phytosanitaires, la concentration à ne pas dépasser dans les cours d’eau, ainsi que pour l’eau potable, est de 0,1 microgramme par litre (c’est-à-dire un dixième de millionième de gramme), tant pour les critères de qualité chronique que pour les critères de qualité aiguë. Cette exigence chiffrée correspond à la concentration qui n’affecte pas les organismes vivants aquatiques. Cette méthode est également inscrite dans les directives-cadre sur l’eau de l’UE.
Des études qui prouvent la qualité de l’eau en Suisse En 2017, des cours d’eau ont été analysés dans cinq zones d’agriculture intensive. Des échantillons ont été prélevés et analysés en continu de mars à octobre. Sur les 217 actifs analysés, dans chacune des zones, entre trois et six dépassaient les concentrations pour les critères de qualité aiguë. Entre quatre et onze substances actives dépassaient les concentrations pour les critères de qualité chronique. Les résultats de cette étude ont été utilisés pour déterminer à la fois l’inventaire des substances et les stations de mesure pour le programme à long terme. En 2018, le réseau a été étendu à un total de 33 stations de mesure.
Les résultats sont sans équivoque: les médianes de toutes les valeurs mesurées pour les produits phytosanitaires étaient inférieures à la valeur limite de 0,1 microgramme. 91% des valeurs mesurées étaient même inférieures à la limite de détermination et n’ont donc même pas été prises en compte pour le calcul des médianes. L’étude montre que les mesures présentent des dépassements dans 2% des cas pour les petits cours d’eau, 4% des cas pour les cours d’eau de taille moyenne et 0,1% des cas pour les grands cours d’eau. «Seuls quelques produits phytosanitaires sont problématiques pour l’environnement», commente Linda Kren, responsable Environnement et Responsible Care chez scienceindustries.
Atteintes à l’environnement plus élevées en cas d’acceptation de l’initiative pour l’eau potable Ces bons chiffres contrastent avec les effets négatifs pour l’environnement d’une acceptation de l’initiative pour l’eau potable. L’année dernière, Agroscope a publié une étude qui a évalué l’écobilan de scénarios potentiels en cas de mise en œuvre de l’initiative pour l’eau potable. Il s’agit d’une étude complexe, réalisée en application des standards reconnus en matière d’écobilan. Elle a été approfondie en 2020. Plusieurs groupes d’intérêt comme Vision Landwirtschaft, Pro Natura, l'EPF, l’Office fédéral de l’environnement et l’Office fédéral de l’agriculture siégeaient dans le groupe de suivi. Le résultat est sans appel: l’initiative ne fait que légèrement mieux qu’en ce qui concerne l’écotoxicité en eau douce des substances organiques. Pour tous les autres critères, l’acceptation de l’initiative se traduirait par une dégradation de l’impact environnemental des produits agricoles que nous consommons en Suisse.
Les maladies ne sont pas dues qu’à une seule cause Le rôle des expositions environnementales, comme l’usure des pneus des automobiles, les particules fines, les produits chimiques, y compris les pesticides, sur le déclenchement de certaines maladies (tels Parkinson, le cancer, les perturbations endocriniennes) a encore été peu étudié. Dans certains cas, il existe un lien entre l’exposition aux pesticides et la maladie. Cependant, les preuves sont généralement insuffisantes pour établir avec certitude un lien de cause à effet. En outre, la plupart des études se focalisent unilatéralement sur la relation entre les pesticides et cette maladie. D’autres facteurs (comme d’autres expositions ainsi que le mode de vie) ne sont généralement pas pris en compte. En outre, l’être humain est beaucoup moins exposé aux pesticides qu’aux produits chimiques du quotidien, aux substances naturelles et à des perturbateurs endocriniens plus puissants tels que le sucre, la caféine ou les protéines de soja.
Compte tenu des données scientifiques encore éparses en la matière, l’industrie accueille favorablement les efforts de recherche dans ce domaine. Plus la science rassemble de connaissances sur les maladies et les liens de cause à effet, mieux les risques peuvent être réduits.
Un utilisateur de produits phytosanitaires s’est également exprimé lors des entretiens Swiss-Food. Ueli Kilchhofer est copropriétaire de KIBRA-Gemüse à Aneth, dans le Seeland bernois. Secondé par une équipe d’environ 40 personnes, il cultive de nombreux légumes comme l’oignon, le poireau, le brocoli, la carotte, la courgette, l’épinard, la pomme de terre primeur et le chou sur plus de 100 hectares de terres. KIBRA privilégie la production durable, qui mêle agriculture pratiquement sans herbicide et agriculture avec une quantité réduite d’herbicides. En outre, KIBRA utilise des pièges à mouche de la carotte, des pièges à phéromones et des films biotech biodégradables de protection des cultures. KIBRA fait aussi appel à la technologie, tels les robots sarcleurs. «Cependant, ce robot ne peut être utilisé que par beau temps. Nous nous engageons nous aussi en faveur d’une agriculture durable. Mais même KIBRA ne peut se passer totalement des produits phytosanitaires. Nous avons déjà apporté de nombreuses améliorations, notamment dans le domaine des herbicides. D’autres vont suivre. Cependant, pour produire de manière économique et répondre aux exigences élevées de nos acheteurs, nous continuons d’avoir besoin de produits phytosanitaires», déclare Ueli Kilchhofer. Pour lui, les deux initiatives agricoles vont trop loin: «Elles sont beaucoup trop extrêmes. L’initiative pour l’interdiction des pesticides fait grimper les prix et entraîne une hausse des importations. Quant à l’initiative pour l’eau potable, c’est une imposture».
Le texte des interventions et les présentations peuvent être consultés ici.
La rédaction de swiss-food.ch
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