L’Observatoire
a été informé de l’enlèvement et de la disparition forcée du
Dr
Daouda
Diallo,
pharmacien et défenseur des droits humains. Le Dr Diallo est le
fondateur et le secrétaire général du Collectif contre l’impunité
et la stigmatisation des communautés au Burkina Faso (CISC). Il est
également lauréat
2022 du Prix Martin Ennals
pour les défenseur·es des droits humains.
Le CISC documente et dénonce depuis 2019 les violations des droits
humains commises par toutes les parties au conflit qui sévit au
Burkina Faso depuis 2015, et lutte contre la stigmatisation des
communautés dans le pays.
Le
1er
décembre, entre 16h et 17h, le Dr Daouda Diallo a été enlevé par
sept individus en civil non identifiés à Ouagadougou, dans le
parking de la Sûreté, service des passeports à Goughin, où il
s’était rendu dans la matinée pour solliciter le renouvellement
de son passeport. Sous prétexte que le commissaire était absent, il
lui a été demandé de revenir après 14h. Suite à l’appel d’un
agent de la Sûreté l’invitant à se présenter à 15h pour
rencontrer le chef de service, le Dr Diallo a été reçu par un
commissaire avec qui il s’est longuement entretenu. À sa sortie,
et avant d’embarquer dans son véhicule garé au parking des locaux
de la Sûreté, il a été interpelé par des individus en civil qui
lui ont demandé s’il s’agissait de son véhicule et lui ont
demandé de les suivre. Il a finalement été enlevé et conduit manu
militari à bord d’un véhicule non identifié vers une destination
inconnue. Ce modus operandi est proche de celui utilisé par l’Agence
Nationale des Renseignements du Burkina Faso, ce qui fait craindre
que le Dr Daouda Diallo soit soumis à une détention au secret.
Au
moment de la publication de cet appel urgent, le sort et le lieu où
se trouvait le Dr Daouda Diallo étaient toujours inconnus et malgré
les recherches, sa famille et son organisation restaient sans
nouvelles de sa part.
Le
Dr Daouda Diallo, à l’instar de Rasmané
Zinaba
et Bassirou
Badjo,
membres du Balai citoyen, Issaka
Lingani
et Yacouba
Ladji Bama,
journalistes, et Gabin
Korbéogo,
secrétaire général de l'Organisation démocratique de la Jeunesse
du Burkina Faso, figure sur la liste des personnes réquisitionnées
début novembre 2023 pour se rendre sur le théâtre des opérations
anti-terroristes, dans le cadre de l’application du « Décret
portant mobilisation générale et mise en garde », adopté par
les autorités burkinabè en avril 2023. Cependant, cette
décision, que lui et les autres personnes réquisitionnées tentent
de contester devant la justice burkinabè, ne lui a jamais été
notifiée.
Un
collectif d’avocats a saisi le tribunal administratif de
Ouagadougou aux fins d’annulation des réquisitions pour
« détournement de pouvoir ». Le 20 novembre 2023, leur
requête en suspension desdites réquisitions a été rejetée et le
tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur le fond. En
attendant une éventuelle procédure parallèle visant à statuer sur
la légalité ou non de ces réquisitions, le collectif d’avocats a
demandé un « référé liberté ». Le tribunal devait se prononcer
sur ladite requête le 1er
décembre 2023 mais a finalement décidé de reporter l’audience au
6 décembre 2023 à la demande de l’Agent judiciaire de l’État.
L’Observatoire
rappelle qu’en raison de leur travail de défense des droits
humains, le Dr Docteur Diallo et d’autres défenseur·es du Burkina
Faso font régulièrement l’objet de nombreuses menaces, de
messages de haine, d’incitations à la violence et d’atteintes à
leur vie privée.
L’Observatoire
condamne fermement l’enlèvement et la disparition forcée du Dr
Daouda Diallo, qui lui fait courir un risque sérieux de subir des
actes de torture et de traitements inhumains et dégradants.
L’Observatoire
enjoint la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso à tout mettre
en œuvre
afin que le sort et la localisation du Dr Daouda Diallo soient
connus, qu’il
soit libéré
de façon immédiate et inconditionnelle et que toute la lumière
soit faite sur son enlèvement et sa séquestration.
L’Observatoire
condamne également le recours systématique à l’enrôlement forcé
comme supplétifs de l'armée (VDP) et l’utilisation des
réquisitions comme arme de musellement et d’attaque des
défenseur·es. Ces actes, portant un coup sévère à la liberté
d’expression au Burkina Faso où l’espace civique est
drastiquement réduit depuis l’avènement du Mouvement patriotique
pour la sauvegarde et la restauration II (MPSR II) suite au coup
d’État d’Ibrahim Traoré en septembre 2022, constituent des
violations flagrantes des textes régionaux et internationaux en
matière de droits humains. Plusieurs organisations de la société
civile du Burkina Faso se sont indignées de l’utilisation des
réquisitions comme arme de musellement et d’attaque contre les
défenseurs des droits humains et des voix discordantes.
L’Observatoire
appelle également la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso à
garantir le droit à la liberté d’expression, tel que consacré
par les standards internationaux relatifs aux droits humains, et
particulièrement à l’Article 19 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques des Nations Unies, et à l’Article
9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.
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