#52 - 30 octobre 2020

Habiter où l’on travaille : le télétravail est-il vraiment l’avenir des urbains ?

Alors qu’un nouveau confinement débute en France, la ville de demain sera-t-elle celle des télétravailleurs ? Rien n’est moins sûr. En mars-avril 2020, plus d’un tiers des actifs français ont été contraints d’expérimenter le télétravail ; seuls 50% disaient en être satisfaits à la sortie du confinement, et seuls 9% des Français seraient prêts à passer au télétravail à temps complet. Beaucoup de raisons sont avancées : le brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle, l’exiguïté des logements, l’exacerbation des inégalités hommes-femmes… Pour beaucoup d’actifs, le slogan du monde d’après n’est pas « enfin, je n’ai plus à aller au bureau » mais plutôt « viens chez moi, j’habite… dans mon bureau ».

Mais ce regard mitigé sur le télétravail n’est-il pas paradoxal ? Comment regretter les transports en commun aux heures de pointe ou la congestion ? Il est vrai que le télétravail entraîne la fin des heures de pointe : adieu les bouchons. C’est aussi, pour certains, la possibilité de quitter la grande ville pour aller s’installer dans un logement moins cher dans une ville moyenne. Mais ce choix n’est pas à la portée de tous : de nombreux métiers ne se prêtent pas au télétravail, comme l’ont montré les travailleurs de la « première ligne » durant le confinement du printemps. Et pour ce qui est des trajets effacés par le télétravail, ils sont compensés par un effet rebond, d’autres trajets remplaçant en grande partie les trajets domicile-travail.

Faut-il pour autant renoncer à l’idée de vivre et travailler au même endroit ? Non, car dans la ville de demain, les lieux de travail se conjugueront au pluriel et incluront la maison, le bureau mais aussi des espaces mixtes, les coworking et autres tiers lieux. Et, pour ceux qui iront au bureau, les heures de pointe ne seront pas une fatalité. Toulouse a récemment expérimenté un programme pilote entre entreprises, opérateurs de mobilité et élus pour étaler les heures de pointe et mutualiser les déplacements. Bref, travailler ensemble… à mieux travailler. – Cécile Maisonneuve, présidente

→ Cet édito est issu des chroniques estivales de Cécile Maisonneuve sur France Info : retrouvez l’intégralité des podcasts ici.

 

Pas le temps de lire ? L’équipe de La Fabrique de la Cité s’occupe de vous.

IL FAUT QUE TOUT CHANGE POUR QUE RIEN NE CHANGE – Pour combler le déficit de Transport for London, le gouvernement anglais a proposé d’étendre le périmètre du péage urbain londonien. Le choix est cornélien : cette décision aura des conséquences sociales importantes mais également des effets inattendus et indésirables comme, par exemple, l’augmentation de la congestion dans les zones les plus denses. – Camille Combe, chargé de mission

Et sur le même sujet : notre rapport « Financer la mobilité dans un monde post-carbone » qui explore plusieurs leviers de financement de la mobilité et leur effets sur la décarbonation des déplacements.


LES DOUZE HEURES NOIRES
 – Le couvre-feu et le confinement, en éteignant la nuit, en font apparaître le caractère socialement et économiquement stratégique. Notre pratique nocturne de la ville est une appropriation récente, d’abord permise par l’arrivée de l’éclairage public au 19ème siècle… aussitôt accompagnée de mesures de contrôle social et d’exclusion. La façon d’habiter la nuit trahit les aspirations et les failles de nos sociétés : les comprendre permettra de réinventer la nuit demain. – Chloë Voisin-Bormuth, directrice des études et de la recherche


VERS UNE « EXTENSION DE L’URBAIN ? »
Selon une récente enquête de l’INSEE, en 2020, 93% des Français vivent dans l’aire d’attraction d’une ville, alors même que les périphéries urbaines gagnent davantage d’habitants que les communes-centres. Éric Verdeil, professeur de géographie à l’École urbaine de Sciences Po, a appelé ce phénomène de redistribution démographique « l’extension de l’urbain », à savoir « un mouvement d’intégration de la population dans une logique urbaine » et ce même dans des zones rurales. – Sarah Cosatto


SE LOGER DANS LES VILLES-MONDE – En conséquence de la crise sanitaire et de la diminution des mobilités internationales, les villes-monde voient leurs prix immobiliers chuter. La baisse du nombre d’étudiants et de cadres étrangers a ainsi fait diminuer les loyers des zones les plus riches de Londres de 8,1% sur l’année et de 11% et à Manhattan. Cela n’est pas pour autant synonyme d’un meilleur accès au logement car les revenus de certains actifs ont également été réduits. – Romain Morin, assistant de recherche

→ Et sur le même sujet : notre projet d’étude sur la crise du logement abordable dans les métropoles européennes.

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