" - Tous ces secrets qu'on nous confie, c'est pas lourd, à la fin ?
- Ça ne peut pas être plus lourd que pour celles qui te les racontent... Ce sont leurs secrets, pas les nôtres. Tu apprendras à les entendre comme des histoires, pas comme des réalités tangibles.
- Comment ça, "des histoires" ?
- Tu n'as aucun moyen de vérifier qu'un secret est réel. Si c'est secret, c'est que personne ne le sait, par définition. Donc ça peut être vrai ou non. Et ça n'a pas d'importance. Ce qui importe, c'est l'émotion qui accompagne le secret. Pas l'anecdote. De sorte qu'il n'est même pas nécessaire de s'en souvenir toute sa vie ! Pour ma part, j'oublie très vite tous les secrets...
- Mais si vous les oubliez... Comment pouvez-vous les utiliser ensuite ?
- Ah, mais tu n'as pas le droit de les utiliser, sous aucun prétexte ; ni contre ni pour la personne qui te le révèle. Un secret, c'est un symbole, pas un instrument. S'en servir, c'est s'exposer à manipuler ou à se faire manipuler. [...] La patiente ne te demande pas d'utiliser son secret, elle te demande de l'entendre. Le secret qu'on te confie ne t'appartient pas. Tu n'as pas besoin de te rappeler le secret. Tu as juste besoin de te rappeler qu'un jour cette femme t'a confié un secret qui la faisait souffrir."
Martin Winckler - Le choeur des femmes
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