Chère lectrice, cher lecteur,
Bayer et Syngenta ont pris récemment position sur les conséquences négatives des deux initiatives agricoles et sur l’ombre qu’elles font déjà planer sur la Suisse en tant que pôle d’innovation. Le vote sur les deux initiatives devrait avoir lieu dans le courant de l’année prochaine. Toutes deux contiennent des exigences extrêmes. L’initiative « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèse. Quant à l’initiative « Pour une eau potable propre », elle veut lier le versement des paiements directs aux agriculteurs à la non-utilisation des pesticides par les exploitants.
Ces interdictions touchent aussi les agriculteurs bio, puisque 40% des pesticides vendus en Suisse sont aussi autorisés dans le bio. Dans l’opinion publique, on a souvent l’impression du contraire : l’agriculture bio se passerait de pesticides, entend-on dire souvent. Pourtant, c’est faux. Le point sur la question ici.
L’agriculture bio aussi utilise des pesticides: 40% des produits phytosanitaires homologués vendus en Suisse sont aussi autorisés dans l’agriculture bio. Des pesticides de synthèse sont aussi utilisés. Le soufre et les composés à base de cuivre en sont un exemple. Leur fabrication repose sur des procédés de synthèse. L’huile de colza utilisée dans le bio comme insecticide est également obtenue à partir de colza cultivé de manière conventionnelle au moyen de produits phytosanitaires de synthèse, de même que le pyrèthre, un insecticide utilisé dans le bio et issu de cultures conventionnelles du chrysanthème.
On le voit: l’agriculture bio aussi a besoin des pesticides pour protéger ses récoltes. Elle exploite les avantages des procédés de synthèse. Les pesticides utilisés dans l’agriculture bio non plus ne sont pas par nature inoffensifs, comme le fait d’ailleurs remarquer le Conseil fédéral dans ses messages sur les deux initiatives pesticides. Au lieu de tomber dans le piège du marketing, il serait honnête d’avouer que tous les agriculteurs, quel que soit le mode de culture choisi, ont besoin des produits phytosanitaires pour protéger leurs récoltes. Et besoin aussi des biocides, soit les désinfectants et les produits de lutte contre les ravageurs, pour protéger leurs bêtes et pour stocker et transformer leurs produits dans le respect des normes d’hygiène.
La procédure d’homologation en Suisse, frein à l’innovation Il serait aussi honnête de dire, du côté de certains offices et de certaines associations environnementales, que l’on ne veut pas des produits phytosanitaires en Suisse et que la Suisse doit devenir une terre d’expérimentation. Car les procédures d’homologation sont bloquées: pas un seul produit phytosanitaire n’a été autorisé en Suisse depuis deux ans. Actuellement, il y a plus de produits qui disparaissent du marché que de nouveaux produits commercialisés. Dans ces conditions, même une gestion adéquate des résistances n’est plus possible. Pour éviter le développement de résistances, il faut disposer d’au moins trois substances actives par plante cultivée ou par ravageur.
Dès lors, les conséquences sur la production régionale et la sécurité de l’approvisionnement sont désastreuses. Pour les PME actives dans la protection des plantes, cet interdiction de fait menace jusqu’à leur existence. Ceux qui œuvrent à l’avènement d’une agriculture sans pesticides doivent communiquer ouvertement et honnêtement leurs intentions au lieu d’empêcher les innovations par des barrières insurmontables. La question des blocages dans les procédures d’homologation est développée ici.
Ne pas interdire l’effort intellectuel, autoriser et encourager une agriculture durable L’hostilité marquée à la recherche et à l’innovation que l’on constate dans le traitement des procédures d’homologation et dans les deux initiatives est ce qui dérange le plus l’industrie de la recherche. Il vaudrait mieux dialoguer pour savoir à quoi devrait ressembler réalistement une agriculture suisse durable. À la place, c’est le principe de l’espoir qui domine. Les interdictions technologiques comme le «moratoire» sur le génie génétique ou une interdiction générale des pesticides provoquent l’exode des activités de recherche. Les innovations et les coopérations entre instituts de recherche publics et privés ont lieu sous d’autres cieux, notamment aussi parce que les chercheuses et les chercheurs ainsi stigmatisés n’ont plus du tout envie de travailler en Suisse.
L’initiative pour une eau potable propre voudrait que seule la recherche publique puisse mener des travaux de recherche en faveur d’une agriculture sans pesticides. L’EPF n’aurait plus le droit de concevoir des solutions de synthèse innovantes et durables. L’effort intellectuel serait interdit. Dans le domaine de la protection climatique, on fonde de grands espoirs sur la neutralité carbone des carburants de synthèse. Les médicaments de synthèse pour sauver des vies humaines suscitent aussi de grands espoirs. Il ne viendrait certainement à l’esprit de personne d’interdire tout ce qui est synthétique.
Sans la recherche, une agriculture durable et efficiente en ressources n’est pas possible. Utiliser des pesticides comporte des risques, c’est sûr. L’honnêteté consiste à les évaluer avec soin. La non-utilisation des produits phytosanitaires entraîne en effet des risques considérables: d’abord pour la sécurité de l’approvisionnement, ensuite pour la sécurité des denrées alimentaires. Si l’espérance de vie s’est sensiblement allongée au cours des cent dernières années, c’est aussi parce que la disponibilité et la qualité des denrées alimentaires ont été constamment garanties. Une évaluation soigneuse des risques est plus honnête. Notre compte rendu ici.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur swiss-food.ch. Nous vous souhaitons une bonne lecture.
La rédaction de swiss-food
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