#66 - 5 février 2021

La lutte contre les maladies non transmissibles : un enjeu urbain ?

Cancers, diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires, maladies du système respiratoire et maladies mentales… Ces maladies non transmissibles représentent aujourd’hui 71% des décès à l’échelle mondiale, dont un quart de personnes de moins de 60 ans, et le poids économique de leur prise en charge devrait doubler d’ici vingt ans. Défi sociétal et médical majeur, la lutte contre cette épidémie est aussi un enjeu urbain : ces pathologies sont en effet engendrées par une combinaison complexe entre facteurs biologiques et génétiques et facteurs environnementaux et socioéconomiques. En agissant sur l’environnement urbain et les modes de vie associés pour les transformer, il serait donc possible d’en réduire la prévalence. Cette affirmation, simple en apparence, implique un changement radical de méthode. Depuis l’avènement de la médecine moderne, voire depuis la révolution pasteurienne du milieu du 19e siècle, il s’est produit une rupture radicale entre l’urbanisme et la médecine : la santé est devenue l’affaire des médecins et non des urbanistes.

Répondre aux nouvelles préoccupations de santé environnementale, c’est faire sortir la santé du champ d’expertise des seuls professionnels de santé pour en faire un champ d’action investi par l’ensemble des acteurs de la construction de la ville. Cinq d’entre eux peuvent être dégagés : la lutte contre la pollution de l’air intérieur et extérieur, la lutte contre le bruit, la réduction des îlots de chaleur urbains, la lutte contre l’obésité et enfin la promotion de la santé mentale. Ils sont particulièrement prometteurs, comme le montre l’exemple de l’adaptation du permis de construire de l’école de l’écoquartier du Danube à la suite d’une modélisation de la qualité de l’air réalisée par ATmo Grand Est sur l’axe des Deux-Rives à Strasbourg. Celle-ci a révélé que la construction de nouveaux immeubles bordant ce boulevard marqué par un trafic important avait pour conséquence de concentrer les polluants dans la cour de l’école située en cœur d’îlot. Comme la source de la pollution ne pouvait être réduite, la décision a été prise de changer la morphologie des nouveaux bâtiments afin de faire écran avec le boulevard, avec pour résultat une absence de dépassement des valeurs limites.

Les guides d’urbanisme favorable à la santé se multiplient, les bénéfices économiques de la réduction de la prévalence des maladies non transmissibles sont prouvés et de nombreuses mesures sont connues pour leur efficacité dans la réduction de l’exposition au risque.  Pourtant, force est de constater que la prise en compte de la santé environnementale reste très voire trop faible au vu de l’ampleur de l’enjeu sanitaire et sociétal que la santé environnementale représente. Un des facteurs d’accélération du changement des modes de faire la ville sera très certainement la pression venue des habitants et des usagers : de plus en plus conscients et informés du rôle joué par les facteurs environnementaux sur la survenue de maladies, ils interpellent de plus en plus vivement les acteurs et mettent en cause leur responsabilité, aussi par voie judiciaire. En la faisant sortir de la stricte relation entre le patient et ses médecins, la santé devient un enjeu de responsabilité collective. L’enjeu est donc de taille pour tous les acteurs.

Il l’est également en raison de la complexité de l’interprétation des données de santé environnementale et de la difficulté à établir des mécanismes avérés de causalité positive entre certains déterminants et état de santé, difficulté qui peut être vite oubliée, notamment avec le développement d’applications de self-data peu scrupuleuses. Or comme le précise la CNIL, « la manipulation et la compréhension de données nécessitent du temps, des compétences, un apprentissage, ainsi que le développement d’interfaces et de dispositifs numériques de médiation à la donnée les plus simples possibles […]. Faute d’une médiation médicale, le risque est réel, par une mauvaise interprétation des chiffres, de susciter angoisse et prises de décisions erronées. Comment réagirons-nous face à ces quantités énormes de données concernant le fonctionnement de notre métabolisme et de notre corps ? Comment les interpréter ? Comment ne pas créer surtout l’empowerment d’une société hypocondriaque ? ». Une commission d’enquête de l’Assemblée en fait aujourd’hui le constat :  faire progresser la santé environnementale ne peut faire l’économie d’accroître l’expertise et la recherche dans le domaine aussi bien chez les professionnels de santé que chez les élus ou les entreprises. – Chloë Voisin-Bormuth, directrice des études et de la recherche

Et sur le même sujet : retrouvez l’intégralité du rapport « Des villes productrices de santé ? » sur notre site.

 

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INVERSION DE TENDANCE – Le fait est suffisamment rare pour mériter d’être souligné : les prix de l’immobilier parisien ont entamé une diminution. Les prix excessifs et la disparition de tout ce qui fait le charme de la vie parisienne (vie culturelle, restaurants, cafés) ont conduit le prix moyen du mètre carré parisien à retrouver son niveau de fin 2019. Dans le même temps, les petite et grande couronnes suscitent un intérêt croissant et les prix du logement y grimpent. – Marie Baléo, responsable des études et des publications

→ Et sur le même sujet : notre rapport sur la crise du logement abordable à Paris et dans six autres métropoles européennes.


« QUAND LA DONNÉE ARRIVE EN VILLE » – Dans un nouveau livre, Antoine Courmont, chercheur à l’École urbaine de Sciences Po et au laboratoire d'innovation numérique de la CNIL, revient sur les transformations de la gouvernance urbaine par les données. Rédigé à partir d’une enquête ethnographique de quatre ans dans une collectivité, le but de l’ouvrage est d’« [ouvrir] le débat sur les manières dont les pouvoirs publics peuvent gouverner les données pour conserver la maîtrise du pouvoir sur la ville à l’ère du numérique ». – Sarah Cosatto, chargée d’études

→ Et sur le même sujet : notre cahier « Des acteurs, des approches et des smart cities » qui revient sur les spécificités locales des modèles de smart cities.


SORTIR DE L’IMPASSE – Pour remplacer la taxe sur les carburants, condamnée à terme par le développement du véhicule électrique, la nouvelle administration américaine regarde de près les expériences de redevance kilométrique menées dans plusieurs États. « Complexe mais faisable », un tel système fait néanmoins face à une série d’enjeux, notamment de confidentialité. – Camille Combe, chargé de mission

→ Et sur le même sujet : notre présentation du mécanisme de redevance kilométrique mis en place dans l’Oregon.


EN ROUTE, MONTRÉAL
L’Autorité Régionale de Transport Métropolitain mise sur les transports en commun pour stimuler l’économie et réduire certaines inégalités, en construisant des lignes de tram à l’est et à l’ouest et en augmentant la fréquence de certains bus. En effet, malgré la pandémie, la fréquentation des lignes desservant les périphéries de la ville entre elles s’est maintenue au niveau de celle de 2019, d’où l’importance de considérer les périphéries pour permettre des mobilités durables sur tous les plans. – Sarah Cosatto

→ Et sur le même sujet : notre interview de Luc Gagnon, directeur du service urbanisme et mobilité de la municipalité de Montréal, au sujet de l’approche montréalaise conjointe de l’aménagement et des mobilités, dans le cadre de notre « tour du monde » des villes face à la crise sanitaire.


QUESTION DE MESURE
Selon une étude parue dans Nature Communications, des villes américaines ont sous-estimé leurs émissions de gaz à effet de serre, de 18,3% en moyenne. Ces écarts seraient dus à l’omission de certains types de sources et carburants mais aussi à la méthode d’évaluation des émissions liées aux transports. L’étude souligne l’importance des efforts communs de définition et de mesure pour fixer des objectifs de réduction des émissions et œuvrer à la transition écologique des villes. – Sarah Cosatto

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