Bonjour !
Ce mois-ci, je vous propose d'explorer un concept grec tout particulier dans l'antiquité grecque : le mariage monstrueux.
Si vous avez lu la novella Atalante que je vous ai offerte le mois dernier, vous en avez eu un aperçu. En Grèce ancienne, on appelait ce mariage l'anosios gamos (le mariage impie).
C'est quoi, un mariage impie pour les Grecs antiques ?
En fait, il recouvre des tabous qui parcourent de nombreuses sociétés du monde, puisqu'on y retrouve l'inceste, le sacrilège et la zoophilie.
Au sommet de ces anosios gamos horrifiques, on retrouve l'amour pour un animal. Comme celui de Pasiphaé pour le taureau.
La pauvre n'a rien demandé. Elle est l'épouse du roi Minos et la mère de plusieurs héros et héroïnes, come Ariane et Phèdre. Un jour, son mari refuse de sacrifier à Poséidon un magnifique taureau blanc. Pour se venger, le dieu inspire à Pasiphaé une passion irrépressible pour l'animal. Dans certaines versions, c'est Aphrodite qui provoque cet amour insensé.
Pour l'assouvir, Pasiphaé demande à Dédale de l'aider. Celui-ci construit une génisse en bois et en cuir qui leurre le taureau. Et hop : l'accouplement a lieu. Il en sort le Minotaure neuf mois plus tard.
Preuve s'il en est que l'anosios gamos n'est vraiment pas une bonne idée, car le monstre féroce sera nourri de jeunes filles et de jeunes hommes jusqu'à ce que Thésée mette fin au carnage !
Parmi les cas d'incestes, les situations les plus épouvantables étaient les relations entre frère et sœur et entre parent et enfant. Mais les liaisons entre un homme et la femme de son père (sa marâtre) étaient aussi de véritables sujets d'effroi. C'est l'histoire de la malheureuse Phèdre, fille de Pasiphaé justement, qui tombe amoureuse d'Hippolyte, le fils de son mari Thésèe. Décidément, elles n'ont pas de chance dans cette famille !
Pour la nourrice de Phèdre, c'est encore pire que de tomber amoureuse d'un taureau :
« Pourquoi aggraves-tu encore l'infamie déjà si lourde de cette maison et surpasses-tu ta mère ? Un amour incestueux dépasse un amour monstrueux, car celui-ci est imputable au destin tandis que celui-là ne l'est qu'à l'immoralité. » (Sénèque, Phèdre, 143-144)
Il faut quand même noter que cet amour violent a été inspiré à Phèdre par Aphrodite — et que voulez-vous faire contre les injonctions formulées par la déesse de l'amour elle-même ? Elle voulait se venger d'Hippolyte qui avait décidé de rester vierge et d'honorer uniquement Artémis. Ah ! ces dieux, décidément...
Aucun des deux protagonistes, ni Phèdre, ni Hippolyte, ne survécut dans cette affaire.
Et Atalante, la vierge chasseresse ? Qu'a-t-elle bien pu faire qui puisse être comparé à de telles horreurs ? Elle qui, comme Hippolyte, refusait l'amour et le mariage ?
Si vous n'avez pas encore lu la novella, je ne veux pas prendre le risque de vous spoiler. Vous le découvrirez en cours de lecture. :-)
Et si vous vous êtes inscrit récemment et n'avez pas reçu ce cadeau, je vous préviendrai de la parution papier d'Atalante prochainement. En attendant, vous pouvez lire une grande partie de cette novella gratuitement en ligne ici.
Je vous souhaite une belle journée et de belles lectures !
P.S. : l'image en en-tête est une œuvre de Gustave Moreau, Pasiphaé et le Taureau (1876-1880).
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