L’Observatoire a été informé de la condamnation et de la poursuite de
la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire à l’encontre de M.
Abdoulaye Seydou, coordinateur du M62, mouvement
composé de plusieurs organisations de la société civile créé en août
2022 à l’occasion du 62ème anniversaire de la déclaration d’indépendance
du Niger. M. Seydou est également coordinateur du Réseau panafricain
pour la paix, la démocratie, et le développement (REPPAD), organisation
panafricaine de défense des droits humains et de la démocratie créée en
2011 et membre de la coalition citoyenne pour le Sahel.
Le 14 avril 2023, le Tribunal de grande instance hors classe de
Niamey a condamné Abdoulaye Seydou à neuf mois de prison ferme et un
million de francs CFA d’amende (environ 1 523 Euros) pour « production
et diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ». Ces
accusations sont en lien avec les dénonciations faites par le M62 des
violations des droits humains imputables aux forces de défense et de
sécurité du Niger sur les populations civiles lors de leurs opérations
militaires à Tamou, département de Say, Région de Tillabéri, le 24
octobre 2022. Ce jour là, en réponse à une attaque terroriste ayant
causé la mort de deux policiers, les autorités nigériennes ont lancé un
raid aérien visant des hangars où se seraient réfugiés les terroristes à
Tamou, faisant plusieurs victimes et des dizaines de blessés, y compris
des civils. Les avocats de M. Seydou comptent interjeter appel de cette
condamnation. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, M.
Seydou était arbitrairement détenu à la prison de haute sécurité de
Kollo, où sont détenus des présumés terroristes.
L’Observatoire rappelle
que le 23 janvier 2023, Abdoulaye Seydou a comparu librement devant le
Tribunal de grande instance hors classe de Niamey dans le cadre de
poursuites engagées à son encontre par le Procureur sur la base de la
loi portant répression de la cybercriminalité au Niger, pour des faits
présumés de « production et diffusion de données de nature à troubler
l’ordre public ». Au cours de cette audience, le Procureur a abandonné
les charges initiales et demandé à mieux se pourvoir au motif de «
l’apparition des faits nouveaux ». Après avoir quitté l’audience, et
suite à une tentative infructueuse d’arrestation par des agents de
police, M. Seydou a reçu une convocation pour comparaître en instruction
immédiatement.
Le même jour, M. Seydou a été entendu en première comparution devant
le même Tribunal pour « complicité d’incendie volontaire de hangars et
maisons servant d’habitation » pour des orpailleurs de Tamou, en lien
avec les faits s’étant produits le 24 octobre 2022. Suite aux raids
aériens qu’elles ont menés ce jour là, les autorités nigériennes ont
accusé des individus non identifiés, dont Abdoulaye Seydou, d’avoir
volontairement incendié des habitations des orpailleurs aux alentours
afin de fabriquer des preuves pour faire accuser les forces de sécurité
et de défense d’exactions. Suite à cette audience, M. Seydou a été placé
en détention préventive à la prison de haute sécurité de Kollo, au
sud-est de Niamey.
Lors de l’ouverture de son procès le 31 mars 2023, le Tribunal de
grande instance hors classe de Niamey a prononcé un non lieu concernant
la charge criminelle de « complicité d’incendie volontaire » qui avait
été attribuée arbitrairement à Abdoulaye Seydou le 23 janvier par le
parquet et a renvoyé le délibéré au 14 avril 2023 pour les charges
initiale de « production et diffusion de données de nature à troubler
l’ordre public ».
L’Observatoire souligne qu’Abdoulaye Seydou souffre de problèmes de
santé depuis son arrestation, et qu’il a dû être hospitalisé à plusieurs
reprises à l’hôpital national de Niamey lors de son incarcération à la
prison de haute sécurité de Kollo pour y recevoir des soins à ses frais.
Le 30 mars, à la veille de l’ouverture de son procès, il a été extrait
de l’hôpital où il recevait des soins pour être jugé. Entre le 31 mars
et le 10 avril 2023, il a été transféré à la prison civile de Niamey
pour y recevoir des soins dentaires, avant d’être transféré à nouveau à
la prison de haute sécurité de Kollo.
L’Observatoire dénonce la condamnation et la poursuite de la
détention arbitraire d’Abdoulaye Seydou, qui ne semblent viser qu’à
sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains.
L’Observatoire appelle les autorités nigériennes à annuler ce verdict, à
le libérer immédiatement, à garantir son accès sans entrave aux soins
de santé et à garantir son droit à un procès équitable et tout au long
de la procédure à son encontre.
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