L’Observatoire
a été informé de la détention arbitraire de M. Moussa
Tiangari,
journaliste et secrétaire général d’Alternative
espaces citoyens
(AEC), une organisation nigérienne de défense des droits humains et
de promotion des valeurs démocratiques, qui agit notamment par le
biais de l’éducation à la citoyenneté. Moussa Tiangari donne
également des cours de droits humains à l’école de police du
Niger.
Le
3 décembre 2024, vers 20h, Moussa Tiangari a été enlevé à son
domicile dans le quartier Saguia Ré-casement, arrondissement 5 de
Niamey, par trois hommes en civil non identifiés, sans qu’aucun
mandat d’arrêt ne lui soit présenté, avant d’être cagoulé et
conduit dans un véhicule Toyota 4x4 vers une destination inconnue.
Son domicile a été fouillé et sa valise, son téléphone et son
ordinateur ont été confisqués. Au moins deux individus sont par la
suite restés postés devant chez lui jusqu’à 22h.
Le
5 décembre 2024 à 16h, après avoir été détenu au secret pendant
près de 48h, ce qui fait craindre des actes de torture et de mauvais
traitements à son encontre pendant cette période, M. Tiangari a été
localisé dans les locaux du Service Central de Lutte Contre le
Terrorisme et la Criminalité Transfrontalière Organisée
(SCLCT/CTO) de Niamey, où il avait été amené le jour même à
13h30. D’après son avocat, qui a pu s’entretenir avec lui, M.
Tiangari a été placé en garde à vue pour « appui au terrorisme »
(Article
399.1.21 (nouveau) du Code pénal nigérien),
« apologie du terrorisme » (Article 399.1.17 (bis) du même
Code),
« atteinte à la sûreté de l’État » et « association de
malfaiteurs en lien avec le terrorisme » (Article 399.1.19 (nouveau)
du même Code), infractions pour lesquelles il risque des peines
délictuelles (de cinq à 10 ans de prison) voire criminelles (10
ans de prison et plus).
Au
moment de la publication de cet appel urgent, Moussa Tiangari reste
arbitrairement détenu dans les locaux du SCLCT/CTO de Niamey. Le
délai légal de la garde à vue pour des accusations de terrorisme
au Niger est de 15 jours, renouvelables une fois.
Cette
arrestation s’est produite alors que M. Tiangari était rentré le
jour même à 18h d’un voyage à Abuja, au Nigeria, où il s’était
rendu pour assister au Conseil d’administration de l'organisation
nigériane Centre pour la démocratie et le développement (CDD),
dont AEC est partenaire. Auparavant, il s’était rendu à Abidjan,
en Côte d’Ivoire, afin d’assister à la septième édition de la
conférence internationale « Humanitarium Itinérant »,
organisée le 28 novembre 2024 par le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR), à l’occasion de la commémoration des 75 ans
des Conventions de Genève, dont l’objectif était de souligner les
défis qui se posent à l’action humanitaire et l’importance de
faire respecter le droit international humanitaire. Un journaliste
proche des autorités nigériennes l’a accusé, dans un article
publié le 4 décembre 2024, d’avoir, à cette occasion, tenu des
discours portant atteinte aux intérêts du Niger.
Le
28 novembre 2024, l’AEC avait organisé une conférence critique
sur la déchéance de nationalité décidée par le régime militaire
au pouvoir au Niger, auquel ont pris part le procureur de la
République, près du tribunal hors classe de Niamey et d’anciens
dignitaires, dont un ancien Ministre de la Justice.
L’Observatoire
rappelle que ce n’est pas la première fois que Moussa
Tiangari est arbitrairement détenu et fait l’objet de harcèlement
judiciaire en raison de ses activités pacifiques de défense des
droits humains. En mai 2015, il a été arbitrairement
détenu
pendant 10 jours et poursuivi en justice pour « atteinte à la
défense nationale » et « propos de nature à démoraliser les
troupes » en lien avec des rapports publiés par AEC. Le 25 mars
2018, M. Tiangari a de nouveau été arrêté puis arbitrairement
détenu
pendant quatre mois et poursuivi en justice pour « organisation et
participation à une manifestation interdite », « complicité de
violences, d’agression et de destruction de biens » pour son
implication dans les manifestations pacifiques organisées contre la
loi de finances 2018. En mars 2020, Moussa Tiangari a été, une
nouvelle fois, arrêté et arbitrairement
détenu
pendant un mois et demi en lien avec une manifestation
anti-corruption dénonçant des détournements de fonds dans l’achat
de matériel militaire.
L’Observatoire
rappelle par ailleurs que la journaliste indépendante et blogueuse Samira
Sabou
avait été enlevée
le 30 septembre 2023 dans des conditions similaires et détenue au
secret pendant huit jours, avant d’être libérée sur ordre de
justice le 11 octobre 2023.
L’Observatoire
condamne fermement la détention arbitraire de Moussa Tiangari, qui
ne semble viser qu’à entraver ses activités légitimes de défense
des droits humains, et exhorte les autorités militaires au pouvoir
au Niger à le libérer immédiatement et de façon inconditionnelle.
L’Observatoire
condamne également la détention au secret pendant 48 heures de
Moussa Tiangari, et enjoint les autorités militaires au pouvoir au
Niger à faire la lumière sur le sort qui lui a été réservé
durant cette période et à l'indemniser pour les dommages subis.
L'Observatoire
enjoint les autorités militaires au pouvoir au Niger à mettre un
terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire,
et à tout acte d'intimidation à son encontre, ainsi qu’à
l’encontre de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans
le pays.
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