Avant mes études et mon entraînement à la compassion, j'avais l'habitude de rivaliser de hurlements avec mon fils. Lorsque nous n’étions pas d’accord, nous nous répondions en hurlant. En général cela montait crescendo et nous finissions pleins de colère et de peine.
Après quelques mois d'études avec mon mentor Marshall Rosenberg, j'espérais créer un changement dans cette dynamique avec mon fils. Malgré toutes mes tentatives, je n'arrivais cependant pas à trouver les mots justes pour avancer vers une meilleure connexion. Si j'essayais d'avoir de l’empathie, cela sortait de façon mécanique, pas du tout sincère. Ce n'était pas sincère parce j’essayais alors que j'étais encore en colère, plein de pensées qu’il «devrait / ne devrait pas».
J’ai compris que j'avais besoin de plus de temps pour m’occuper de ma colère.
A la même époque, j'avais aussi lu quelque chose sur la colère dans le livre de Daniel Goleman «l'intelligence émotionnelle». Dans le livre, il explique que certains composés chimiques sont libérés dans notre corps lorsque nous sommes en colère. Plus la colère dure, plus la quantité de composés chimiques augmente. Même un court instant de colère va libérer ces composés pendant une vingtaine de minutes. Ces substances chimiques ont pour rôle de réduire notre capacité à penser et d’augmenter notre capacité à agir - pas vraiment la bonne combinaison pour essayer d'utiliser un nouveau langage quand ça chauffe.
Alors, je me suis promis une chose. A chaque fois que je me sentirais en colère, je me créerais de l’espace et du temps pour récupérer de l’amoindrissement intellectuel ressenti. Je m’accorderais une dose d’au moins vingt minutes de récupération après toute «attaque de colère» . La fois suivante où mon fils et moi avons été en désaccord, voici comment les choses se sont déroulées :
«Collin, je ne veux vraiment plus parler comme ça. J'ai besoin de temps pour décompresser donc je suis prêt à réessayer dans vingt minutes»
«C'est ridicule», a-t-il répondu et il est sorti en trombe de la pièce. Pendant son absence, je me suis donné de l'empathie et me suis demandé ce que ressentait Collin et quels besoins nous avions. Lentement, prudemment, j’ai pu entreprendre mon exploration.
Vingt minutes plus tard, il est revenu. Nous avons commencé à parler. Après seulement une trentaine de secondes, nous hurlions de nouveau. Je me suis arrêté. «Collin, je ne veux vraiment pas discuter comme ça. J'ai besoin d’encore vingt minutes».
Avec un regard mi incrédule mi frustré, il est reparti. Je me suis donné une nouvelle dose d'empathie, de connexion et j’ai visualisé ce à quoi je voulais que ma vie ressemble. J'ai continué de me recentrer et à imaginer mes besoins d'harmonie, de compréhension et de connexion.
Collin revenu pour une autre tentative et pour la troisième fois, nous nous sommes remis à hurler. J’ai demandé une autre pause de vingt minutes. Cette fois Collin s’est exclamé «Je ne vais jamais revenir!» Il a quitté la pièce en claquant la porte derrière lui. Je me suis assis, me demandant si ça marcherait un jour... doutant de moi et de la perspective d'avoir un nouveau type de relation avec mon fils. J'ai lutté comme un homme en train de se noyer et qui s'accroche à un rocher, luttant pour ne rien faire d’autre que pratiquer l'auto empathie et l’empathie. Vingt minutes plus tard, il revenu. Cette fois, nous avons «tenu le bon bout» ; nous avons pu avoir une conversation que nous étions tous les deux en mesure de vivre, tout en restant en connexion. Ce n'était pas parfait. Ce n'était pas facile, mais ça a marché. Nous étions capables d'arrêter les cris et les bagarres. Ça a été un moment charnière dans notre relation. Et oui, nous avons eu notre part de désagréments par la suite, mais en général, nous avons tenu le cap et transformé la façon dont nous nous comportions l’un avec l’autre, même aujourd'hui, douze ans plus tard.
Avec le recul, il est clair pour moi, que c’est le processus de «RALENTIR» qui a fait la différence. C’est comme monter les marches d’un escalier, chaque marche nous amène au prochain palier. L'endroit où nous pouvons vivre notre vérité, d'une manière qui exprime la compassion, toujours vivante à l'intérieur de nous, pour qu’elle puisse faire partie de nos vies.
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