Chère lectrice, cher lecteur,
L’année 2020 appartient au passé. Enfin, presque. La pandémie de Covid-19 ne laisse aucun répit à la société et au système de santé. Avec l’autorisation des premiers vaccins, cependant, on entrevoit la lumière au bout du tunnel.
Dans une rétrospective 2020 parue dans le Tages-Anzeiger, le journaliste scientifique Nik Walter passe en revue ce que la science a accompli en un temps record dans le combat contre la pandémie. Certes, le cours de la science n’est pas linéaire. La lutte contre le Covid-19 a connu aussi son lot de vicissitudes. Mais le résultat est étonnant. Des vaccins ont été mis au point à une vitesse sans précédent. Si le monde sort de la pandémie en 2021, nous le devrons à la science et à l’industrie de la recherche.
Ce bon bilan se reflète également dans la confiance accrue envers la science dont fait état la dernière édition du «Baromètre scientifique suisse». Plus de 70 % des personnes interrogées estiment que les décisions politiques liées au coronavirus devraient se fonder sur des bases scientifiques. Et 63 % pensent que les scientifiques devraient participer activement au débat politique. D’une manière générale, la science a gagné en prestige durant la pandémie. Tant l’intérêt pour la science que la confiance dans la science ont augmenté par rapport à l’enquête de 2019.
Pour Marcel Salathé, la crise sanitaire montre aussi que la science n’est pas un domaine à part, hermétiquement coupé du monde, mais qu’elle pénètre notre société de toutes parts. Dans un entretien avec la BaZ, l’épidémiologiste affirme que l’importance de la science et de la technologie en Suisse est grandement sous-estimée. Lui aussi est d’avis qu’il faut un engagement en faveur de la science et de la technologie au niveau politique.
La confiance dans la science est réjouissante, et cruellement nécessaire. Cela peut s’en ressentir favorablement dans d’autres domaines. En juin 2021, le peuple suisse se prononcera sur deux initiatives phytosanitaires extrêmes. Pourtant, le débat avant-coureur dans les médias est dominé avant tout par les risques liés aux pesticides. Les avantages indéniables des pesticides – soit les produits phytosanitaires et les biocides, utilisés par exemple pour combattre les organismes pathogènes lors de la conservation des aliments – sont la plupart du temps occultés. Dans une contribution remarquable, S. Eliza Dunn de Bayer USA éclaire la relation étroite entre la protection des plantes, l’allongement de l’espérance de vie et la lutte contre des maladies mortelles.
Sur Youtube, le professeur Andreas Tiedemann de l’Université de Göttingen analyse sobrement et calmement les avantages des produits phytosanitaires de synthèse et les limites des méthodes alternatives. Son exposé mérite d’être vu. La vidéo a déjà deux ans, mais reste d’une actualité brûlante dans le contexte du débat actuel en Suisse. Allons d’emblée aux conclusions du professeur Tiedemann : « La protection phytosanitaire est une technique civilisatrice ». La FAO le sait bien, elle qui estime que les ravageurs et les maladies détruisent environ 40 % des récoltes mondiales. Elle vient d’ailleurs de prolonger d’une nouvelle demi-année l’Année internationale de la santé des végétaux.
Sans les produits phytosanitaires modernes de synthèse, l’agriculture bio sous sa forme actuelle n’existerait pas. Les agriculteurs biologiques le savent aussi. Dans une lettre de lecteur lapidaire parue dans Schweizer Bauer du 23 décembre 2020, l’agriculteur bio Stephan Krähenbühl critique les arrangements de Bio Suisse avec la vérité. Selon lui, l’organisation bio vend aux consommateurs le bio tel qu’il n’est pas, écrit l’agriculteur de Greng, au bord du lac de Morat. La vérité serait autre : « L’agriculture bio utilise des pesticides et des produits phytosanitaires. » Des pesticides de synthèse sont aussi autorisés dans le bio. L’agriculteur cite par exemple « Audienz », un produit obtenu par des procédés de synthèse et dont l’agriculture bio fait un large usage.
Ce faisant, l’agriculteur fribourgeois met le doigt sur un point tout particulièrement sensible. Entre le message des organisations bio et la réalité, il y a un gouffre. Le marketing bio se trouve de plus en plus en porte-à-faux avec les fondements de la science. Et l’initiative pour l’interdiction des pesticides le préoccupe : «Prôner le oui en sachant que le bio utilise des produits chimiques de synthèse est du mauvais marketing à long terme. »
L’appel de Stephan Krähenbühl à l’adresse de Bio Suisse est finalement modeste. Il ne demande qu’une communication honnête. « Nous devons des explications honnêtes aux consommateurs ! Une protection phytosanitaire ciblée fait partie intégrante du bio. »
On le voit : dans le débat sur les pesticides aussi, les faits scientifiques ne peuvent être occultés. Dans les discussions sur le climat, la politique aime bien faire appel à la science. Dans l’agriculture, il est tout aussi pertinent d’invoquer la science. Le journal britannique «Guardian» a publié récemment une étude sur les liens entre le climat et l’agriculture dans le domaine de la production de viande. L’étude montre qu’une vision en noir ou blanc n’apporte rien. La production de viande bio est au moins aussi délétère pour le climat que la production de viande conventionnelle. Le levier se situe au niveau de la consommation.
Comme 2020 l’a montré, la politique doit se fonder sur des faits scientifiques. Les succès futurs sont à ce prix. Lorsque la politique s’enferme dans des idéologies ou qu’elle se retranche derrière une opinion prétendument publique, nous n’avançons pas. C’est vrai aussi pour les pesticides et notamment pour les produits phytosanitaires de synthèse. Il est devenu chic de s’en distancer, tout en espérant qu’il sera possible de compter sur eux en cas de nécessité. Le problème, c’est que cela ne fonctionne pas ainsi : les entreprises ne disposent pas d’une « armoire de secours » dans laquelle elles entreposeraient des produits pour les cas d’urgence. Du fait aussi des exigences élevées en matière de sécurité, les entreprises agrochimiques ont besoin de dix ans pour rechercher et homologuer de nouvelles substances, et en moyenne d’un an et demi pour mettre en route la production. Même après le Covid-19, des solutions fondées sur la science n’émergent pas d’un simple claquement de doigt. De plus, les entreprises ont besoin de sécurité en matière de planification et ne produisent que pour des marchés existants.
Nous vous présentons nos meilleurs vœux de succès et de santé pour la nouvelle année !
La rédaction de swiss-food.ch
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