Année de tous les dangers pour l’agriculture | Lutte mondiale contre la faim | Moins de risques avec les produits phytosanitaires | Tolérance zéro malvenue
Chère lectrice, cher lecteur,
Le début d’année a un grand avantage. Il ouvre des perspectives. L’année se présente avec des chances et des opportunités. Déjà, des échéances s’annoncent. Le 13 juin, réussirons-nous à faire comprendre au peuple suisse l’utilité des produits phytosanitaires et des biocides pour l’agriculture et l’industrie agroalimentaire? Deux initiatives agricoles extrêmes visent à interdire, ou du moins à restreindre fortement, l’usage des produits phytosanitaires et des désinfectants dans l’agriculture et l’agroalimentaire. L’une des initiatives prévoit même d’interdire des importations d’aliments et les applications des produits phytosanitaires sur les terrains de sport et dans les jardins. Le Conseil fédéral, le Conseil national, le Conseil des Etats, les agriculteurs et l’économie rejettent les initiatives et leurs exigences extrêmes.
La discussion sera difficile. Pour sûr, une vision d’ensemble est utile. Et la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, en a une. En 2017, la FAO a publié un excellent rapport sur l’avenir de l’alimentation et l’agriculture. Son titre: «The future of food and agriculture». Pour l’organisation spécialisée onusienne, aucun doute: si l’on veut que l’agriculture aide à éliminer la faim, il faut une protection phytosanitaire efficace, qui englobe aussi les pesticides de synthèse. Car avec la globalisation, les maladies phytosanitaires et les parasites s’étendent aussi (cf. ill. 6.2 p. 58).
Pourtant, d’autres préféreraient bannir la chimie. Oubliant ce faisant que la vie est chimie. Une petite vidéo postée sur YouTube et intitulée «Chemistry can change the World» le raconte très joliment. La chimie rythme et aide notre quotidien: du tas de compost aux antigrippaux en passant par la protection phytosanitaire de synthèse.
S’agissant des risques, les produits phytosanitaires sont soumis à des contrôles stricts. Et de fait, dans l’agriculture conventionnelle du moins, l’emploi des produits phytosanitaires présentant un potentiel de risque particulier n’a cessé de reculer au cours des dix dernières années. C’est ce que révèle la statistique des ventes des produits phytosanitaires, que corroborent des résultats de mesures. Pour les pesticides bio, par contre, les risques n’ont pas varié. Il y a quelques mois, Agroscope, le Centre de recherches agricoles de la Confédération, a constaté qu’une interdiction des produits phytosanitaires présentant un profil de risque particulier toucherait durement le bio.
La diminution des risques liés aux produits phytosanitaires de synthèse ne se reflète pas seulement dans la statistique des ventes, mais aussi dans différentes informations. Comme dans la Thurgauer Zeitung peu avant le passage dans la nouvelle année. En Thurgovie, le Laboratoire cantonal a analysé des produits alimentaires régionaux à la recherche de résidus de pesticides. Le résultat est réjouissant: sur 37 échantillons analysés, aucun ne dépassait la valeur limite. Cité par le quotidien, le chimiste cantonal thurgovien, Christoph Spinner, s’en félicite: «Bien sûr, nous avons trouvé des résidus. Mais seulement des traces, sans danger pour la santé.» A l’en croire, le résultat peut être qualifié d’idéal ou presque. Il fait écho au mot d’ordre des agriculteurs, qui s’en tiennent strictement au principe du «aussi peu que possible».
Dans un test sur les vins suisses, l’émission Kassensturz est parvenue au même résultat. Dans aucun des vins testés, les résidus de produits phytosanitaires n’excédaient une valeur limite. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’émission de la chaîne alémanique s’est bien gardée d’annoncer les résultats sur tous les toits, ni n’a salué le résultat de manière aussi souveraine que le chimiste cantonal thurgovien. La polémique est plus vendeur. On rappellera que la présence de différents résidus dans les aliments, tel le vin, peut être plus une bonne qu’une mauvaise nouvelle. Aussi paradoxale soit-elle, cette affirmation s’explique aisément. Les produits phytosanitaires modernes ont une action toujours plus précise, et ne ciblent par exemple que certaines classes de parasites. Par conséquent, les agriculteurs doivent utiliser plusieurs substances différentes au lieu d’un seul produit universel qui détruit tout, y compris les insectes utiles. L’environnement ne s’en porte que mieux. On trouve un exemple d’un tel ingrédient actif dans le nouvel insecticide Spiropidion. Il élimine les parasites suceurs comme les pucerons sans menacer les abeilles et les autres insectes pollinisateurs.
De bonnes nouvelles nous arrivent également de l’Est de la Suisse: le service de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires de Glarus et des Grisons (ALT) a traqué les résidus de 298 produits phytosanitaires et de leurs métabolites contenus dans les eaux de vingt centrales hydroélectriques. Les résultats sont réjouissants: les analyses n’ont jamais révélé la présence de plus de quatre substances par échantillon, et les quantités retrouvées étaient insignifiantes.
Bien sûr, il faut continuer à améliorer la teneur en résidus dans l’alimentation. Bien sûr aussi, les eaux de surface et les nappes phréatiques ne doivent pas être contaminées. L’eau est un bien précieux. Mais c’est un fait: la civilisation laisse des traces. Ces traces ne doivent présenter aucun risque pour l’être humain et l’environnement. La tolérance zéro est toutefois malvenue. Avec les outils analytiques modernes, on peut mesurer aujourd’hui tout et n’importe quoi.
La civilisation, c’est nous tous. Il est faux de se focaliser sur l’agriculture. Selon les observations nationales, 42% des substances détectées proviennent de l’agriculture et 51% des eaux usées ménagères. C’est ce que révèle la brochure de l’Union suisse des paysans sur le thème de la protection phytosanitaire, dont nous vous recommandons la lecture. (Texte et informations en page 22, tableaux 6 et 7). L’agriculture doit faire mieux, mais pas seulement elle.
Pour cela, il est important d’avoir une ligne directrice. La tolérance zéro pour les résidus de pesticides n’a scientifiquement pas de sens, ni dans l’alimentation, ni dans l’eau. Si l’on applique la tolérance zéro, le principe de précaution se mue en principe d’évitement. C’est malheureusement la voie prise par le Parlement dans le cadre de l’initiative parlementaire «Réduire le risque de l’utilisation de pesticides». L’initiative prévoit d’appliquer une valeur seuil prohibitivement basse non seulement aux métabolites pertinents, mais aussi aux produits de dégradation non pertinents. Cette nouvelle réglementation toucherait 80% des produits phytosanitaires disponibles aujourd’hui. Elle reviendrait à interdire des produits déjà autorisés et à rendre pratiquement impossible l’homologation de nouveaux produits. Un résultat dévastateur pour l’agriculture, mais aussi pour les jardins et les places de jeu. Il ne serait plus possible de protéger efficacement les produits alimentaires régionaux des maladies phytosanitaires et des parasites. Le Parlement ferait bien de corriger le tir.
Une certitude: 2021 sera une année décisive aussi bien pour l’agriculture que pour l’offre en Suisse de produits régionaux de qualité et d’un prix abordable.
La rédaction de swiss-food.ch
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