Alors
qu’un cinquième procès se tiendra demain, le 7 février 2025, à
Istanbul, l’Observatoire
pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT)
et la LDH tiennent à réaffirmer leur soutien permanent à Pinar
Selek, écrivaine et défenseure des droits humains franco-turque.
Les autorités turques doivent cesser leur acharnement judiciaire.
Paris,
Istanbul, le 6 février 2025 - Pinar
Selek
est poursuivie depuis plus de 25 ans par le gouvernement turc en
raison de ses travaux de sociologue menés dans les années 90. Des
travaux qui l’ont conduite à des prises de position féministes,
en faveur des droits de toutes les minorités et en particulier des
populations kurdes et arméniennes.
Elle
a été arbitrairement arrêtée en juillet 1998 par la police, qui
lui demande les noms des personnes sur lesquelles elle a enquêté.
Même sous la torture, elle ne les révélera pas. Pendant sa
détention, une explosion secoue le bazar aux épices d’Istanbul.
« L’attentat », en réalité l’explosion accidentelle
d’une bonbonne de gaz oubliée depuis presque 30 ans, lui sera
« attribué ». Malgré l’absurdité de l’accusation,
la justice turque s’acharne depuis 27 ans. Le dossier est
évidemment vide : Pinar Selek est acquittée au cours de quatre
audiences, en 2006, en 2008, en 2011 et en 2014. À chaque fois, le
parquet fait appel. Un acharnement insensé.
Cet
acharnement et la menace de prison à perpétuité ont conduit Pinar
Selek à l’exil en France où elle a obtenu la nationalité
française, ce qui ne la met pas pour autant à l’abri des
poursuites abusives dans son pays d’origine. La justice turque a
lancé contre elle un mandat d’arrêt international avec demande
d’extradition. Les trois dernières audiences qui ont eu lieu au
Tribunal criminel d’Istanbul (31 mars et 29 septembre 2023, 28 juin
2024) se sont soldées par des reports motivés par la volonté
d’entendre Pinar Selek en personne alors même qu’elle risquerait
d’être emprisonnée à perpétuité. Elle pourrait par ailleurs
être entendue depuis un tribunal français, par voie de commission
rogatoire, ce que proposent ses avocats mais que refuse évidemment
la justice turque.
Absurdités juridiques
dans un contexte inquiétant
Autre
accusation absurde, lors de l’audience du 28 juin 2024, le
ministère de l’Intérieur turc l’a accusée d’avoir participé
à un « événement en lien avec l’organisation terroriste
PKK ». Le 11 avril 2024, elle modérait simplement une table-ronde
organisée par l’Université Côte d’Azur. L’objectif des
autorités turques ? Forcer Interpol à produire une « notice
rouge » qui obligerait la France à extrader Pinar Selek.
Le
7 février 2025, les avocats de Pinar plaideront sur toutes les
illégalités accumulées au cours de cette interminable procédure
et pour que justice lui soit enfin rendue.
Ce
procès intervient dans un contexte de répression accrue contre
toutes les voix critiques en Turquie. Les
mesures arbitraires liées à l’état d’urgence et aux dérives
autoritaires ont aggravé le climat de peur. L’indépendance de la
justice turque continue de se dégrader : les juges en charge de
l’affaire de Pinar Selek ont été révoqués et remplacés par des
magistrats plus conciliants envers le pouvoir, connus pour la
sévérité de leurs verdicts.
Ce
contexte inquiétant est dénoncé dans le rapport conjoint de
l’Observatoire
et de l’Association des droits humains (İnsan
Hakları Derneği
- IHD) de mai 2021,
“La
société civile turque dans la ligne de mire : une érosion de
l’espace pour la liberté d’association”.
Il fournit un aperçu des défis juridiques et pratiques rencontrés
par les défenseurs à différents niveaux. Il révèle non seulement
l’incapacité de l’État turc à garantir un environnement
favorable au développement de la société civile en Turquie, mais
aussi ses tentatives délibérées d’en saboter les actions. En
distillant un discours hostile et stigmatisant, le pouvoir dépeint
les organisations de défense des droits humains comme des agents
étrangers représentant une menace pour la sécurité nationale et
promouvant les objectifs des organisations terroristes.
Il
est donc essentiel de maintenir notre soutien à l’infatigable
militante, membre de la LDH, qu’est Pinar Selek. Nous serons
présents lors de son audience demain.
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