#49 - 9 octobre 2020

Rénovation énergétique : quand l’expérience et la science nous disent la même chose

Enfin ! Les Français ont enfin trouvé LE sujet qui va leur permettre de pratiquer leur exercice préféré vis-à-vis de l’Allemagne dans un contexte sanitaire qui ne s’y prête pourtant guère. L’exercice, c’est la Schadenfreude, cette joie mauvaise qu’il peut nous arriver d’éprouver à l'idée du malheur d'autrui ; LE sujet, c’est… la rénovation énergétique des bâtiments.

Un article du Monde daté du 4 octobre nous apprend ainsi qu’après 340 milliards d’euros dépensés en dix ans pour la rénovation énergétique des bâtiments, « la consommation énergétique, qui avait baissé de 31 % entre 1990 et 2010, est depuis cette date restée au même niveau. En 2010, un foyer consommait en moyenne 131 kilowatt/heure thermique par mètre carré. En 2018, il en consomme… 130 ». Cette piètre performance a de multiples causes : le bien connu effet rebond, de nouveaux chauffages mal calibrés donc tout aussi énergivores que les anciens, l’isolation des façades sud des bâtiments qui les empêche de profiter de… la chaleur du soleil. Et le président de la fédération immobilière allemande de prôner un changement total de stratégie : abandon des rénovations les plus chères, changement du critère de mesure actuel (consommation théorique du bâtiment) au profit de la mesure des émissions de CO2 réelles… auxquelles il faut donner un prix. Les politiques allemands n’ont pas manqué de se saisir du sujet : les libéraux du Freie Demokratische Partei (FDP) pour prôner l’abandon du « fétichisme » de la rénovation, les Verts pour avancer l’idée d’une nouvelle répartition des coûts, pointant le risque d’une désaffection des ménages les plus modestes pour la lutte contre le changement climatique, au moment où le logement est de moins en moins abordable, ce qui rappelle qu’une écologie pour quelques-uns, par exemple les habitants des centres-villes, est vouée à l’échec.

Au moment où les plans de relance, nationaux ou européens, placent ce sujet au cœur de leur stratégie, le débat allemand est bienvenu. Il fait écho à l’accélération d’une réflexion innovante sur le sujet en France. En témoigne la remise, le 21 septembre dernier, du rapport du Plan bâtiment durable et de la RICS France à la Ministre du logement, qui pointe la nécessité de changer la maille d’intervention des rénovations : « ce n'est plus logement par logement, voire même bâtiment par bâtiment que nous répondrons vite et fort à ce besoin de transformation de nos espaces d'habitat et d'exercice professionnel, c'est à l'échelle de l'îlot ou du quartier qu'il faut intervenir, en mettant en œuvre l'ensemble des techniques existantes, sans craindre leur diversité » estiment les auteurs du rapport. Et de pointer la nécessité d’une approche urbaine du sujet : « pour faciliter ces interventions collectives, nous devons cesser d'opérer les distinctions qui ponctuent usuellement l'activité immobilière, suivant l'usage et la destination des lieux, la qualité d'occupant ou de bailleur, la nature neuve ou existante du bâti considéré. La ville est par nature mixte, prenons-la comme telle ».

En France comme en Allemagne, ces expressions publiques démontrent, s’il en était besoin, le rôle d’accélérateur des crises : ce que des travaux scientifiques montrent depuis plusieurs années – pensons aux travaux du Lab recherche environnement, fruits de 12 années de partenariat entre VINCI et Paris Tech – commence à infuser dans le débat et la décision publics. Puisque l’heure est à la remise en cause de dogmes qui montrent leur caractère inopérant dans la réalité, il peut être utile de rappeler deux faits qui éviteront qu’en 2030, un bilan tout aussi sévère soit dressé des dizaines de milliards d’euros qui vont être dépensés dans ce domaine :

  • Le changement climatique nous parle de gaz à effet de serre et de biodiversité : l’approche environnementale, et pas seulement énergétique, est seule pertinente quand on parle rénovation ou, plus généralement, performance du bâti ;
  • Un bâtiment n’est pas un objet physique posé dans une ville : c’est un écosystème entre l’humain, le monde physique et, de plus en plus, le monde digital ; cet écosystème fait lui-même partie du système urbain. Seule une approche par les usages permet d’appréhender cette réalité faite de stock et de flux, de lieux et de liens.

– Cécile Maisonneuve, présidente

 

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DESSERTE ET OPPORTUNITÉS La Maryland Transit Administration est revenue sur sa décision de supprimer 25 lignes de bus, à la suite d’une mobilisation rassemblant citoyens et législateurs, arguant que la fermeture de ces lignes affecterait surtout « les populations aux bas niveaux de revenus, de couleur et handicapées » et leurs opportunités. Du fait des fortes contraintes financières pesant sur les budgets des autorités organisatrices de mobilités (un manque représentant près de 21% du budget total), cette mesure sera tout de même accompagnée d’une réduction des fréquences de certains trains et bus . – Sarah Cosatto, chargée d’études


RETOURS DU FIG 2020 – La 31ème édition du Festival International de Géographie s’est tenue du 2 au 4 octobre dernier sur le thème « Climat(s) ». Les sessions, en partie enregistrées, ont notamment traité des nouvelles sources de données. L’émergence d’appareils grand public permet la mesure décentralisée de phénomènes tels que les îlots de chaleur urbains. Pourtant, la qualité inégale de ces données oblige à en écarter jusqu’à 80%, un défi pour la production de connaissances scientifiques. – Romain Morin, assistant de recherche

→ Et sur le même sujet : notre projet sur l'urban data au service des projets urbains.


« 1000 IDÉES POUR AMSTERDAM »
Ce projet, conduit par le think tank The Why Factory et l’Amsterdam Institute for Advanced Metropolitan Solutions, a pour but d’imaginer l’avenir de la ville néerlandaise. Hyperdensité, nature, logement, mobilité, qualité de vie… Autant de sujets explorés par des étudiants, professeurs et experts dont les idées seront modélisées en 3D et exposées à partir du 20 novembre à la Arcam Donut City Exhibition de façon à « ouvrir le dialogue avec un public local et international ». – Sarah Cosatto


« LES RESSORTS DE LA RÉSILIENCE TERRITORIALE »Tel est le titre du dossier du numéro d’automne de la revue Urbanisme, qui vient de paraître. Au programme : des réflexions sur de nouvelles pratiques et de nouveaux cadres pour assurer la résilience territoriale en matière d’alimentation, de numérique, d’espace public… Selon Yves Le Breton, directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, « les stratégies de résilience vont prendre une place croissante dans l’action publique ». – Sarah Cosatto

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