L'édito de Robin
La newsletter qui paraît lors du Mipim emporte toujours une responsabilité particulière. On a un baromètre immédiat de ce qu’on a écrit dans les couloirs du Palais des congrès ou sur la Croisette. Hâte de vous y retrouver sur le stand de Stonal sous la tente du Grand Paris à côté de la maquette de La Défense. La tentation est grande de se lamenter de l’état du secteur immobilier ces trois dernières années. Pourtant dans le monde qui s’annonce c’est sans doute l’un des secteurs les plus stables.
Les marchés actions américains ont effacé l'intégralité de la hausse suite à l'élection de Donald Trump début novembre. Et contrairement à ce que beaucoup avaient imaginé, cela ne fait pas lever un sourcil à la Maison Blanche. Il faut bien comprendre que la stratégie de Trump n’a rien du coup de tête. Sur Fox News, samedi soir, le Président a déclaré “Il pourrait y avoir quelques perturbations. Écoutez, mon rôle est de bâtir un pays fort. On ne peut pas vraiment se focaliser sur le marché boursier. Regardez la Chine : ils ont une vision à 100 ans. Nous, nous raisonnons en trimestres. Et on ne peut pas fonctionner comme ça.” La semaine dernière, Scott Bessent le secrétaire du Trésor avait préparé le terrain sur CNBC que “Wall Street s’en tirera et qu'ils travaillaient pour Main Street [l'Américain moyen, NDA]”. La perturbation de chaînes de valeur mondialisées depuis 60 ans va s'accentuer. Être sur un secteur essentiellement domestique comme l'immobilier sera un sacré atout.
Il n'est pas absurde que le logement soit un des secteurs qui bénéficient le plus des velléités de simplification qui fleurissent partout. La ministre du Logement m'a ainsi confié une mission sur l'évaluation de la Réglementation environnementale 2020 et plus spécifiquement le jalon 2028. L'idée est de mener une étude d'impact précise avec les coûts totaux, en phase construction et en phase exploitation, et les bénéfices en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Si le prix de la tonne d'équivalent carbone évitée est très supérieur au prix actuel, il sera temps de se poser la question de l'aménagement du texte. Celles ou ceux qui voudraient me faire parvenir leur analyse, n'hésitez pas. Pour illustrer le chemin à parcourir, la semaine dernière sont parues au Journal Officiel 41 pages pour expliquer comment placer les plaques pour les meublés touristiques y compris la taille des vis…
La réaction européenne à la nouvelle donne géopolitique avec une hausse des dépenses militaires va nécessiter de maintenir des taux d’intérêts directeurs bas. La Banque centrale européenne (BCE) a abaissé le 12 mars 2025, son principal taux directeur, la facilité de dépôt, de 2,75% à 2,50%. Le débat sur le type de financement de la montée en puissance de l’appareil militaire, entre épargne privée et endettement public, est abscond. A la fin, celui qui commande les armes c’est l’Etat, c’est donc lui qui va devoir s’endetter. Et l’Etat français qui souhaite porter son budget de défense à 100 milliards d’euros par an ne supportera pas des taux d’emprunt supérieurs à 2% même avec les artifices comptables excluant les dépenses militaires du calcul du déficit structurel.
Un secteur protégé de la recomposition des chaînes de valeur, qui va bénéficier de la dérégulation et dans une zone aux taux d’intérêt proches de 2%. Franchement, l’immobilier, j’achète ! Egalement dans cette newsletter, un focus sur le développement des fonds secondaires et le coût de la règle des escaliers doubles aux Etats-Unis. Et si vous n’avez pas vu passer l’information, le P-DG de l’application de trading Robinhood, Vladimir Tenev, a déclaré qu'il souhaitait que l'entreprise abrite “tout ce dans quoi un client souhaite investir”, y compris l'immobilier. Il faut donc absolument se rendre à l’événement Next Gen Patrimoine que notre ami Florian Freyssenet organise le 28 mars prochain pour explorer ce sujet et beaucoup d’autres !
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Focus 1 |
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Les fonds secondaires se développent aussi dans l’immobilier |
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On en parle souvent ici, les situations distress dans l’immobilier ne sont pas légions. Dans la plupart des marchés immobiliers et encore plus en France, les banquiers sont plus accommodants qu’anticipé et ils ne forcent pas vraiment les propriétaires à vendre. Cette absence de vente forcée, notamment sur des immeubles de bureau dont la valeur a chuté, a au moins 2 conséquences : d’une part, les investisseurs opportunistes qui ont du cash ne peuvent pas vraiment profiter des baisses de valeur car il n’y a pas de transactions et, d’autre part, les fonds immobiliers voient leur durée de vie augmenter car les gérants ne vendent pas les actifs. C’est comme si tout le marché tournait au ralenti.
Mais il existe des solutions pour recréer de la liquidité. Certains LPs (souscripteurs de fonds immobiliers) ne peuvent pas supporter l’allongement de la durée des fonds et ils cherchent donc à revendre leurs parts dans les fonds. C’est ce qu’on appelle le marché secondaire, système très répandue dans le Private Equity mais encore confidentiel dans l’immobilier. Le secondaire dans le PE a représenté 162 milliards de volumes de transactions en 2024, contre environ 23 milliards pour l’immobilier. Concrètement, les investisseurs opportunistes qui veulent profiter de la baisse des prix ont plus intérêt à faire du secondaire qu’à acquérir de l’immobilier en direct.
Qui sont les acteurs de ce marché ? Goldman Sachs a levé en 2024 un record de 3,4 milliards $ pour son troisième fonds secondaire immobilier (VREP III), la plus importante levée à ce jour dans ce segment. Début 2025, Neuberger Berman a levé son second fonds secondaire immobilier (RESOF II) à 1,05 milliard $ (+48 % par rapport à son fonds précédent), confirmant une demande institutionnelle croissante pour cette classe d’actifs. Ces fonds misent sur des décotes sur la NAV plus importants que ce qu’on voit dans le secondaire Private Equity. Selon Jeffries, les investisseurs qui vendent leurs parts de fonds immobiliers acceptent en moyenne une correction de 28% sur la NAV contre 11% dans le Private Equity.
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Une maison au UK coûte en moyenne 1,7 fois le prix d’un appartement. C’est la première fois en 30 ans que l’écart est si important. Au-delà de l’effet pandémie qui a boosté la valeur des maisons par rapport aux appartements, la baisse de la demande des appartements s’explique par l’augmentation des charges d’exploitation des immeubles résidentiels collectifs (+11% en moyenne en 2024) et par les lourdes dépenses engagées sur de nombreux immeubles afin de changer les bardages de revêtements de façade de faible résistance au feu suite à l’incendie de la Tour Greenfell en 2017 qui a fait 72 victimes. Les prix des maisons ont augmenté de 2,2% l’année dernière tandis que ceux des appartements ont baissé de 0,5%.
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Focus 2 |
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Le double escalier, un héritage coûteux |
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Lorsque l'obligation de deux escaliers a été adoptée pour les immeubles de minimum trois étages dans tous les codes d’urbanisme aux États-Unis il y a un siècle, il était logique de veiller à ce que les résidents disposent de plus d'une sortie pour échapper à un incendie. Ces dernières années, cependant, les gicleurs intérieurs et les constructions résistantes aux incendies sont devenus courants dans les nouveaux bâtiments, et les architectes et les défenseurs du logement soutiennent que l' exigence de deux escaliers devrait être reconsidérée .
L'adoption d'escaliers uniques dans les immeubles résidentiels pourrait réduire les coûts de construction aux États-Unis de 6 à 13%. Ces exigences américaines augmentent les coûts de construction, limitent la surface habitable et restreignent la conception architecturale. L'obligation pour chaque appartement d'avoir accès à deux escaliers signifie que les unités s'ouvrent sur un long couloir qui s'étend sur toute la longueur du bâtiment avec des escaliers à chaque extrémité. Ces bâtiments ressemblent souvent à un hôtel, avec des portes donnant sur un long couloir. Ce type de conception privilégie les unités plus petites, telles que les studios et les appartements d'une chambre, avec des fenêtres sur un seul côté. Il n'est pas rare d'avoir des pièces sans fenêtre. Deux escaliers nécessitent un espace important dans le bâtiment, ce qui rend difficile la construction de complexes d'appartements de hauteur moyenne sur de petites parcelles de terrain, le fameux missing middle. A Los Angeles, en pleine phase de reconstruction, avoir un ascenseur et un escalier qui l'entoure pourrait ouvrir environ 11 500 parcelles commerciales et multi-résidentielles à des immeubles de hauteur moyenne, a déclaré Ed Mendoza, urbaniste et sponsor de la proposition AB-835. Celle-ci, adoptée en 2023, exigeait des pompiers de l’Etat de Californie un rapport pour favoriser le déploiement de l’escalier unique d’ici le 1er janvier 2026.
L'idée qu'un escalier unique est toujours plus économique pour les immeubles résidentiels pourrait toutefois être trop simpliste. Pour les petits immeubles de quatre unités par étage, sans couloir central, cela peut être avantageux. Toutefois, dès que la taille augmente, les coûts peuvent rapidement s'alourdir. Un immeuble de huit unités par étage nécessite souvent deux ascenseurs, annulant l'économie du couloir central et ajoutant des frais liés aux murs extérieurs et fenêtres. Pour des immeubles plus grands (12 unités ou plus par étage), trois halls avec escaliers et ascenseurs deviennent nécessaires, rendant cette configuration plus coûteuse que le modèle classique avec un couloir central, deux escaliers et un ascenseur.
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Les Proptech au top
Aux US :
- La proptech new-yorkaise Uniti AI a récemment levé 4 M$ en financement d'amorçage. Fondée en 2023, la startup propose des agents commerciaux virtuels destinés aux opérateurs immobiliers. Ces agents commerciaux virtuels reposent sur l'intelligence artificielle générative pour analyser, comprendre et interagir avec les prospects en langage naturel. Cette approche permet une automatisation avancée et plus fluide des échanges avec les clients, tout en s’adaptant à différents secteurs immobiliers tels que les bureaux, le coworking, le self-stockage, et le résidentiel collectif. Elle est utilisée dans plus de 10 pays en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, démontrant une portée mondiale.
En Malaisie :
- La proptech LiveIn a récemment acquis la marque de location long terme KoolKost en Indonésie. Fondée en 2020, la société propose une plateforme en ligne facilitant la recherche et la location de logements en Malaisie, au Vietnam et en Thaïlande. Cette acquisition stratégique vise à renforcer sa présence sur le marché indonésien où le taux d’urbanisation explose et devrait atteindre plus de 66% en 2035. Elle acquiert ainsi 27 propriétés existantes réparties dans 6 villes du pays. LiveIn compte actuellement plus de 10.000 utilisateurs actifs et collabore avec plus de 1.000 propriétaires et agences immobilières.
Aux Pays-Bas :
- Planet Smart City a cédé 20% de son capital au groupe néerlandais Breevast contre un investissement de 40 M€. Cette levée de fonds, partie d'une augmentation de capital de 55 M€, vise à accélérer l'expansion de la proptech au Brésil. Spécialisée dans le développement de logements intelligents et abordables intégrant des solutions numériques et durables, l'entreprise a déjà livré 8.500 unités en Inde, aux États-Unis et au Brésil. En 2025, Planet Smart City prévoit de lancer 1.010 nouvelles unités dans trois projets verticaux dans le Nordeste et un à São Paulo. L'investissement de Breevast soutiendra également l'expansion de Planet Smart City en Europe et aux États-Unis, notamment avec un projet phare de plus de 3.400 unités à Zoetermeer, aux Pays-Bas.
En Norvège :
- La startup Telescope vient de lever 3,7 M€ en financement d'amorçage pour développer sa plateforme dédiée à l’évaluation et à la gestion des risques climatiques et environnementaux dans l’immobilier. Fondée en 2022, la proptech propose des outils permettant aux propriétaires et investisseurs d’identifier les menaces liées au climat, à la biodiversité et aux évolutions réglementaires. L’objectif : aider le secteur immobilier à prendre des décisions d’investissement plus éclairées, accéder à des financements verts et se conformer aux nouvelles exigences légales. Après avoir convaincu plusieurs grandes entreprises norvégiennes en 2024, Telescope accélère son expansion au Danemark, en Suède et aux Pays-Bas.
En Arabie Saoudite :
- Ajras, une proptech dont nous vous parlions déjà en novembre 2023, a levé 1,5 M$ lors d'un tour de financement pré-série A. Fondée en 2022, la startup propose des solutions de financement innovantes pour faciliter les paiements de loyers, ciblant principalement les secteurs tertiaire et industriel. Son modèle "louer maintenant, payer plus tard" agit comme intermédiaire entre propriétaires et locataires, accélérant les transactions et simplifiant la gestion des paiements.
Au UK :
- La proptech Just Move In, spécialisée dans les services de gestion de déménagement, vient de lever 6 M£ lors d'un tour de financement de série A. Fondée en 2015, l'entreprise propose une plateforme de conciergerie numérique qui simplifie le processus de déménagement en gérant les formalités administratives telles que les taxes locales, l'énergie, l’abonnement internet et les assurances. Cette levée de fonds permettra à Just Move In d'étendre ses services et de renforcer sa stratégie de partenariats, comme elle l’a fait en octobre dernier dans un partenariat stratégique avec Inventory Hive pour améliorer l'expérience des locataires et générer des revenus supplémentaires pour les agents immobiliers. La startup se distingue par son engagement envers des pratiques durables, travaillant exclusivement avec des fournisseurs d'énergie verte et étant certifiée B Corporation.
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- Les immeubles à louer gratuitement, avec seules les charges à payer, en bordure de La Défense ne trouvent pas preneurs.
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