« Pour qui tu te prends ? »
Combien de fois vous l’êtes-vous demandé ?
Pour qui vous prenez-vous, de penser que ce que vous écrivez est digne d’être écrit et — summum de la présomption — d’être lu ?
La question ne vient pas seulement de votre esprit, vous la décelez aussi dans les yeux de quelques-uns à qui vous avez confié votre projet d’écriture. Ils ont beau sourire, faire semblant de s’intéresser, mais vous n’êtes pas dupe. À chaque fois, la honte vous serre le cœur, vous courbez le dos et vous promettez en votre for intérieur de ne plus jamais, au grand jamais, parler de ce hobby prétentieux.
C’est vrai à la fin, pour qui vous vous prenez ?
Eh bien, pour vous.
Oui, pour vous ; et ceux qui vous liront un jour vous en seront reconnaissants. Il ne manquerait plus que vous vous preniez pour quelqu’un d’autre. « Soyez vous-même. Les autres sont déjà pris, » recommandait Oscar Wilde.
Ou pire, que vous ne vous preniez pour rien du tout.
Vous l’oubliez souvent, mais vous êtes unique. Vous, et par définition, votre voix — pas celle qui vous assaille de doutes, mais de celle de l’artiste en vous qui meurt d’envie de s’exprimer, si au moins on la laissait écrire en paix !
Ce que vous écrivez, personne d’autre que vous ne peut l’écrire. C’est le résultat d’une extraordinaire alchimie entre ce que vous êtes, ce que vous croyez, ce que vous avez vécu, vos cicatrices, vos obsessions, vos curiosités, votre héritage, votre imagination, vos rêves, et la plomberie compliquée de votre cerveau.
Cette voix, on l’appelle parfois « style », même si elle est bien plus que cela. Quoi qu’il en soit, vous n’en faites pas grand cas, car vous ne lui trouvez rien de spécial. Vous la trouvez même ennuyeuse à mourir. La raison ? Vous vivez avec elle depuis votre naissance !
Pour vous, elle est la chose la plus banale du monde… Et pourtant pour d’autres, votre voix sera une merveilleuse aventure, une Terra Incognita digne d’être découverte et explorée. Remerciez les dieux de la littérature que vos auteurs préférés ne se soient pas pris pour d’autres. Nos vies sont plus riches parce qu’un jour, ils (elles) ont eu l’audace d’être eux (elles)-mêmes.
Maintenant écrivez, et relevez le plus grand défi de votre vie, en ignorant ceux qui n’ont pas eu ce courage : soyez farouchement vous-même.
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