Newsletter de La Fabrique de la Cité #80

#80 - 21 mai 2021

Le commerce en ligne à l’assaut des villes

Le e-commerce est-il en train de déliter les centres-villes ? Avant la pandémie, cette question faisait partie des interrogations sur le sujet plus large de la redéfinition constante des relations entre commerce et ville. Après tout, « le commerce, c’est le changement », nous rappelait Philippe Dugot, professeur de géographie à l’université Toulouse Jean Jaurès dans l’entretien qu’il nous avait accordé en 2019. Comme les centres commerciaux voici quelques années, le commerce en ligne est une nouvelle évolution qui vient enrichir la longue histoire du lien essentiel entre ville et commerce.

La pandémie et l’explosion afférente du e-commerce conduit à se poser une question plus radicale, qu’évoquait déjà Philippe Dugot : l’effet d’accélération induit par la pandémie n’est-il pas en train de détacher le commerce de la ville, d’en réécrire la physionomie et de remodeler tant l’immobilier commercial que l’utilisation de l’espace viaire et la fonction de l’espace public ? Dans cette tension à l’œuvre entre un urbanisme de la vitesse et un urbanisme de la proximité soulignée avec justesse par Jean Coldefy, le e-commerce, avec ses conséquences sur la logistique, partie immergée de plus en plus visible de l’iceberg, dessine sa propre carte de la ville.

Que ces questions suscitent l’inquiétude, voire l’angoisse est compréhensible : elles parlent de notre quotidien tout en nous donnant à voir sans filtre les conséquences directes de la pandémie… et de nos propres comportements. Car l’évolution du commerce est aussi le miroir de nos usages quand bien même ils auraient été contraints par la pandémie depuis de trop longs mois.

Pour injecter de la rationalité, et donc de la sérénité dans le débat, il n’est pas inutile de s’en remettre à l’analyse scientifique. À cet égard, l’étude « Is e-commerce good for Europe? » menée par Oliver Wyman en lien avec Logistics Advisory Experts (LAE), une spin-off de l’Institute of Supply Chain Management de l’université suisse de Saint-Gall, est instructive. D’emblée, précisons que le fait qu’elle ait été commandée par Amazon n’enlève rien ni à son intérêt ni à son sérieux d’autant que les questionnements méthodologiques qu’elle soulève font largement écho aux travaux de recherche universitaires sur le sujet, comme par exemple le récent article d’Heleen Buldeo Rai, chercheuse de la Chaire Logistics City de l’Université Gustave Eiffel. Impact sur l’emploi, conséquences sur l’environnement : l’étude bat en brèche les idées reçues sur le e-commerce (non, il ne détruit pas les emplois mais les transforme ; oui, son impact environnemental est meilleur que celui du commerce physique s’agissant des émissions de CO2, largement à cause des émissions liées au bâti) mais elle rappelle surtout ce fait essentiel. Dans les villes qui ont bien, le commerce physique et le commerce en ligne vont bien aussi. Une autre manière de dire que l’attractivité d’une ville est une construction complexe qui dépend de multiples acteurs et facteurs, à commencer par le rôle des édiles. Et que cette attractivité se construit avec les citadins et leurs usages, les citadins tels qu’ils sont, ainsi qu’avec les technologies telles qu’elles évoluent et ouvrent comme perspectives. Ce constat n’empêche évidemment pas la régulation par les signaux-prix ou par le droit qui, tout au contraire, sera d’autant plus efficace qu’elle anticipera les tendances à l’œuvre. La nostalgie a moins que jamais sa place dans un contexte de fortes incertitudes. – Cécile Maisonneuve, présidente

Pas le temps de lire ? La Fabrique de la Cité s'occupe de vous

 

REQUIEM EN SOL  – Les sols urbains nous apportent des services écosystémiques essentiels mais encore trop peu connus : régulation de la température et des écoulements d’eaux, puits de carbone, amélioration de la qualité de l’air, production alimentaire, biodiversité… Atouts majeurs pour la lutte contre le changement climatique, ils sont le plus souvent vus comme simples supports de l’espace bâti dont certains pourraient toutefois être occasionnellement ou temporairement rendus à la nature pour qu’ils apportent leurs services écosystémiques. Ce n’est pas si simple : « les sols naturels sont une ressource non renouvelable car il faut des milliers d’années pour les former. Ils font partie de notre héritage naturel et leur dégradation entame irrémédiablement les services rendus aujourd’hui ainsi que le capital de demain. ». (Metropolitiques) – Chloë Voisin-Bormuth, directrice de la recherche et des études

 

DES ÉNERGIES VRAIMENT RENOUVELABLES ?  Dans son dernier rapport, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) alerte sur les futurs besoins de minerais qu’entraine le déploiement massif des énergies renouvelables (EnR) au niveau mondial. Cuivre, cobalt, lithium, ou certaines terres rares, deviennent des ressources stratégiques de premier plan dont la production est aujourd’hui très concentrée géographiquement. La transition énergétique doit-elle s’interpréter comme le transfert d’une dépendance aux ressources fossiles à une dépendance aux ressources minérales ? (AIE) – Arthur Wienhold, assistant de recherche

 

D’UN AUTRE TEMPS – Que ce soit l’occupation de bâtiments ou l’aménagement d’espaces ouverts, l’urbanisme temporaire est de plus en plus utilisé comme levier de l’action publique territoriale. Il questionne les modes de faire, les organisations et les acteurs de la ville. Dans son nouveau dossier, la Direction de la Prospective et du Dialogue Public de la Métropole de Lyon, Millénaire 3, livre toutes les pistes pour mieux appréhender ce nouveau mode d’action spatial. (Millénaire 3) – Yamina Saydi, chargée de communication

 

HABITER AUTREMENT – Dans son nouvel ouvrage, « Habiter autrement », Maryse Quinton, nous donne à voir un éventail de logements atypiques s’adaptant à leur environnement et nous invite à réfléchir nos façons de produire et de vivre nos logements. Vivre l’extérieur depuis l’intérieur, vivre sur mer comme sur terre, passer d’un logement à un gigantesque espace de fête… la critique d’architecture nous montre une manière de vivre nos logements plus librement en transformant les contraintes en opportunités. (Le Monde) – Émilie Li, assistante de recherche

Derniers travaux publiés

Twitter
LinkedIn
Website