L'édito de Vincent
C’est le propre des crises que d’entrainer la remise en cause de certains tabous. Et celle-ci tient toutes ses promesses en la matière. Sur le plan politique d’abord, les prises de parole de plusieurs dirigeants marquent incontestablement un tournant majeur même si on attend encore les actes. En seulement quelques jours, un ancien Premier ministre et l’actuel ministre de l’Economie se sont exprimés en faveur d’un report des interdictions de location qui affectent les passoires thermiques. Si le premier a réitéré ici des propos qu’il tenait déjà en janvier 2023, et si le deuxième a rétropédalé dès le lendemain, cela témoigne quand même d'une prise de conscience de la gravité de la situation. Ce flottement au plus haut sommet de l’Etat fait écho à ce qu’il se passe en Allemagne où le gouvernement a suspendu la mise en place de nouvelles règles écologiques sur le logement neuf initialement attendues pour 2025.
La fin des tabous se joue aussi à l’échelon local. Entre Laurent Wauquiez qui veut faire sortir sa région du carcan de la ZAN et la Métropole de Lyon, dont le bilan en matière de logement est catastrophique depuis 2020, qui met 10 millions d’euros sur la table pour débloquer des opérations, ca bouge fort ! Mais encore faut-il faire le bon diagnostic et assumer des changements drastiques de politiques en se concentrant sur les mesures peu couteuses et aux effets immédiats. Quitte à froisser ! L’exemple américain, souvent mis en avant dans cette newsletter, doit nous guider. Ce pays a fait toutes les erreurs possibles en matière de politique du logement depuis 10 ans (blocage des loyers, baisse de la construction, etc.), avec des Etats particulièrement médiocres comme la Californie. Mais une des forces des US est de savoir changer les règles du jeu en très peu de temps : depuis quelques mois, de Sacramento à Austin, en passant par Alexandria (Virginie) ou Saint Paul (Minesota), des grandes villes suppriment purement et simplement les zoning qui freinent la densification. Il nous faut faire preuve de la même audace, traiter à la fois les symptômes et les causes profondes de cette crise qui réside pour beaucoup dans la sur-réglementation de ce secteur qui ne demande qu’à respirer !
Enfin, les tabous tombent aussi chez les principaux acteurs du secteur immobilier. Nexity se décide à ouvrir le capital de sa branche service, des promoteurs se tournent vers l’AMO faute de fonds propres suffisants, les réseaux d’agents immobiliers se diversifient vers la rénovation énergétique et les portails immobiliers, auxquels nous consacrons notre premier focus, se rêvent en plateformes d’intermédiation. Même les banques, notamment aux US, nous surprennent en étant plus que prudentes en matière de saisies (voir notre focus 2 à ce sujet).
A retrouver aussi dans cette newsletter : notre partenaire Axtom, qui a lui-même fait tomber le tabou du salariat grâce à son modèle très entrepreneurial, vous présente ses 4 métiers. Et bien sûr le chiffre de la semaine, cette fois consacré aux déboires immobiliers de Donald Trump, les tops de la Proptech et les bruits de couloir !
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Focus 1 |
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Portails immobiliers, pourquoi SeLoger et leboncoin font fantasmer les investisseurs? |
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Alors que le secteur immobilier est à la peine partout dans le monde, les grands portails d’annonces continuent à prospérer. Il faut dire que, comme les acquéreurs sont moins nombreux, dans le neuf comme dans l’ancien, les plateformes bifaces vendeur/acheteur deviennent encore plus indispensables. Les agents immobiliers y déposent désormais presque 100% des biens qu’ils ont en portefeuille, la vente directe étant moins facile, et ils investissent davantage en marketing sur chaque annonce afin d’en augmenter la visibilité. De plus, la forte croissance des réseaux d’agents sans vitrine, à l’image d’iad en France ou d’Exp Realty aux Etats-Unis, va aussi dans leur sens. Pas de vitrine physique ? Plus que jamais besoin d’une vitrine digitale ! Les portails bénéficient donc à la fois des évolutions conjoncturelles du marché, le rééquilibrage offre/demande, et des changements structurels.
Nous vous parlions récemment des offres hallucinantes reçues par la famille Murdoch pour le rachat de News Corporation, le holding qui détient le portail américain Realtor.com et d’autres sites d’annonces au Royaume-Uni et en Australie. On parlait alors d’une valorisation de 4,4 milliards de dollars même si le deal n’est pas allé au bout. En 2019 déjà, c’est le géant KKR qui mettait la main sur le groupe Axel Springer, propriétaire notamment de SeLoger et Immoweb, pour 7,7 milliards de dollars. Deux mois plus tard, le groupe rachetait le site MeilleursAgents et complétait ainsi son offre à laquelle s’était déjà agrégé le site Logic-Immo en 2018. Bientôt une sortie pour KKR ? C’est probable. Dernier exemple en date, c’est la vente de la maison mère de Leboncoin qui déchaine les passions. On apprenait la semaine dernière que Permira (actionnaire minoritaire du réseau de mandataires Safti, 5 500 conseillers) et Blackstone avaient conjointement fait une offre pour ce qui serait l’un des plus gros take-private de l’année (environ 10 milliards de dollars).
Avec ces nouveaux soutiens financiers, on peut s’attendre à voir les portails grandirent encore. Consolider le marché, comme leboncoin l’a fait en France en 2017 avec le rachat du site AvendreAlouer, mais peut-être aussi remonter la chaine de valeur. L’investissement massif d’Axel Springer dans Purplebricks leur a fait perdre environ 150 millions de dollars mais il a surtout créé le doute quant à ses ambitions. Cela s’ajoute aux investissements dans des plateformes d’intermédiation en Espagne (Housell) ou en Allemagne (Homeday). A chaque fois la même question : ces portails vont-ils passer du statut de vitrine digitale à celui d’intermédiaire classique ? C’est à dire prendre des mandats auprès des vendeurs pour les opérer en direct ou pour les distribuer à des conseillers immobiliers sur le terrain avec un partage d’honoraires ? J'abordais ce sujet dans une tribune publiée la semaine dernière dans le Journal de l’Agence, où je faisais notamment écho à l’ouverture du site SeLoger aux particuliers qui a beaucoup ému les professionnels de la transaction.
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Alors que le procès de Donal Trump pour fraude s’est ouvert hier, il ressort que l’ancien président américain aurait surévalué la valeur de ses biens immobiliers personnels de plus de 2 milliards de $ afin d’obtenir des financements de plusieurs centaines de millions de dollars à des conditions particulièrement favorables auprès de différents établissements de crédit américains. Notamment, D. Trump aurait exagéré la surface de son penthouse dans la Trump Tower de 200%, entraînant une surcote de 207 M$. De même, sa propriété de Mar-a-Lago en Floride aurait été surévaluée de 2.300% (oui oui, multipliée par 2.400 !).
Au-delà de l’aspect politique de cette affaire, le plus “étonnant” semble que les établissements bancaires en question n’aient pas pris la peine de vérifier ces données avant de financer les opérations de l’ancien magnat de l’immobilier new-yorkais, ou aient choisi de délibérément fermer les yeux…
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Le coin du sponsor - Axtom |
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Axtom, un collectif d’entrepreneurs qui accompagne les territoires et les entreprises dans leur développement économique et immobilier. |
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Fondé en 2015, Axtom est un acteur spécialisé dans l’immobilier d’entreprise (activité, logistique, commerces, bureaux, hospitalités) qui se déploie à travers quatre métiers :
- Ancoris, dédiée au conseil au développement économique auprès des collectivités.
- Axdev, dédiée à la conception et au montage d’opérations de promotion en immobilier d’entreprise
- Axess, qui se consacre à la construction clé en main
- Octalise, foncière d’investissement pour le compte du groupe et de ses clients.
A travers ses 29 filiales en France et à l’international, toutes dirigées par un entrepreneur associé, Axtom a généré en 2022 un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 150M€, et devrait afficher une croissance prévisionnelle de 30% en 2023 pour atteindre 200M€. Ses clients sont à la fois des collectivités locales, des promoteurs immobiliers, des investisseurs et des entreprises.
Associé au promoteur Exia, Axtom a annoncé hier la vente en VEFA de 6 messageries Mondial Relay (36 500m2 au total) à Epopée Gestion.
Pour en savoir plus sur le groupe : https://www.axtom.eu/
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Focus 2 |
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Banques, pourquoi les saisies restent rares |
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Trois semaines après que la Federal Deposit Insurance Corporation a mis en vente le portefeuille de prêts immobiliers de 33 milliards de dollars de Signature Bank qui a fait faillite en mars 2023, une première offre est arrivée émanant de Marathon Asset Management. Les opportunités dans la dette d’immobilier tertiaire sont importantes. Et elles pourraient encore plus le devenir. Le suicide du responsable des risques de Wells Fargo qui s'est jeté de son bureau n’a pas manqué de rallumer la polémique sur l’état véritable du portefeuille des banques américaines.
La question centrale est celle des actifs sous-jacents aux emprunts et des garanties sur ceux-ci. Dans le cadre du portefeuille de Signature, 15 milliards de prêts sont ainsi garantis par des immeubles à loyers stabilisés ou contrôlés principalement situés à New-York dont la capacité à être loués et même la valeur sont relativement assurées. Mais ce n’est pas le cas de tous les actifs. Certains sont beaucoup moins attractifs, au point de devenir un boulet pour les banques prêteuses. Alors qu’avant la Grande Crise Financière de 2008 la menace de saisie de l’actif sous-jacent était un atout majeur dans le jeu des banques, dans un marché déprimé comme aujourd’hui, la saisie devient de plus en plus un problème, les emprunteurs n’hésitant pas à rendre les clés de leurs actifs.
Les banques n’hésitent pas à négocier et essayent d’intéresser les propriétaires à un retour à meilleur fortune. D’ailleurs, alors que le taux de prêts non performants gagés sur des actifs immobiliers tertiaires a beaucoup progressé ces derniers mois, passant de 6,8% en août 2023 à 4,5% en juin 2022, selon les chiffres de l'agence de notation Kroll Bond Rating Agency, les bâtiments effectivement saisis sont restés relativement stables, à 8 milliards de dollars seulement. Les régulateurs bancaires américains ont d’ailleurs publié un rapport fin juin invitant les banques à agir prudemment sur les saisies. Cette faible motivation à récupérer des actifs considérés comme peu attractifs explique peut-être pourquoi jusqu’à présent les banques ont également peu cherché à dévaluer les actifs sur lesquels sont appuyés leurs prêts, ce qui risquerait de les faire basculer dans la catégorie d’actifs en difficulté.
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Les proptech au top
En France :
- La start-up Atoa.io, incubée au programme Ville de demain à Station F, a financé sa première acquisition grâce à la tokenisation de l'immobilier, un immeuble résidentiel à Niort, avec une première tranche de 126.500 € financée par 213 souscripteurs. Spécialisée dans la tokenisation de l’immobilier, la proptech permet d'investir dans l'immobilier directement en ligne, par fractions de 50 €. L’innovation consiste en la mise en fiducie du bien et l'inscription du droit de bénéficiaire de cette fiducie dans un jeton numérique (token) enregistré sur une blockchain publique qui confère ainsi un statut de quasi-propriétaire à son détenteur. Cette technologie offre une liquidité accrue au marché immobilier, permettant aux investisseurs d'entrer et de sortir plus facilement de leurs investissements. De plus, elle rend l'investissement immobilier accessible à un plus grand nombre d'investisseurs, grâce à la possibilité d'acheter une fraction d'un bien plutôt que le bien entier. Atoa.io ambitionne de devenir un acteur régulé à l'échelle européenne, en obtenant l'enregistrement MiCA après le dépôt d'un premier dossier en cours d'instruction à l'Autorité des marchés financiers (AMF).
- La proptech Via Sana, qui a développé les centres de coworking médical du même nom, a récemment levé 6 M€. Fondée en 2020, elle met à disposition des professionnels de santé des espaces conçus pour répondre à leurs besoins spécifiques ainsi qu’à ceux de leurs patients, offrant ainsi un cadre de travail optimal pour les professionnels tout en garantissant un accès facilité et confortable pour les patients. La start-up recense déjà 25 centres, principalement à Paris, et affiche un taux d’occupation proche de 100%. Cette levée de fonds vise à s’étendre géographiquement à Lyon, Bordeaux et Marseille, et à développer des espaces plus grands, idéalement selon le format-type de 4 plateaux de 200 m². Dans ce sens, Via Sana a engagé des discussions avec des promoteurs et des asset managers.
En Belgique :
- Izix, la plateforme de gestion flexible de parkings, a annoncé une levée de fonds de 3 M€. Fondée en 2021, la start-up a mis au point une application qui améliore la planification, l'allocation et le partage des places de parking dans les bâtiments de bureaux permettant ainsi d’optimiser leur utilisation et d’accélérer la transition vers la mobilité douce et le flex office. Déjà présente dans 150 bâtiments en France, Belgique, Luxembourg et Espagne, la proptech vise à étendre sa présence à 500 bâtiments d'ici fin 2025, dont 50% en France. Izix ambitionne d'atteindre la rentabilité d'ici 2025.
En Allemagne :
- La proptech berlinoise Novo a annoncé une levée de fonds pré-amorçage de 1 M€ pour accélérer la décarbonisation de l'immobilier à grande échelle. La start-up développe une technologie qui simplifie et accélère le processus de rénovation énergétique du parc immobilier existant en centralisant et automatisant les 3 étapes clés : (1) l'analyse du bien, (2) la définition des travaux de rénovation énergétique nécessaires et (3) l’identification des subventions publiques et solutions de financement applicables. La société permet également de faire cette analyse à l’échelle d’un portefeuille immobilier afin d'identifier, de catégoriser et de prioriser facilement les bâtiments nécessitant une rénovation. Novo travaille actuellement à des partenariats avec de grands institutionnels comme DZ Bank et RheinEnergie représentant un volume de plus de 7 millions de bâtiments. L’impulsion de start-ups comme Novo devrait accélérer significativement le rythme de rénovation énergétique en Allemagne qui n’atteint que 1% du parc par an alors que l’objectif défini par l’UE implique une rénovation de 15% du parc d’ici 2030.
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- François Hollande viendra sur le salon H Expo à Nantes. Un joli pied de nez sachant qu'en 2015 il avait annoncé à ce congrès un important dispositif de soutien au monde du logement
- Les signaux de reprise de l'activité au Royaume-Uni se multiplient. Le flux des opportunités d'investissement en forte hausse même si cela ne s'est pas encore traduit dans les transactions
- De plus en plus de maires commencent à considérer des transformations bureau/logement, alors qu'ils ne voulaient pas entendre parler il y a encore quelques mois
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