L’Observatoire a été informé de la détention arbitraire et de la grève de la faim de M. Noureddine Tounsi,
lanceur d’alerte et défenseur des droits humains anti-corruption, et
membre du bureau d’Oran de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de
l’Homme (LADDH). Noureddine Tounsi est un ancien responsable commercial
de l’Entreprise portuaire d’Oran (EPO), une entreprise publique, et
travaille avec la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en
Afrique (PPLAAF).
Le 25 avril 2023, Noureddine Tounsi a entamé une grève de la faim
illimitée pour protester contre sa détention arbitraire à la prison d’El
Harrach d’Alger, au sein de laquelle il est incarcéré depuis plus de
trois mois et demi.
Noureddine Tounsi a été arbitrairement arrêté le 8 février 2023 en
pleine rue à Oran, avant d’être présenté devant le procureur de la
République d’Oran qui lui a notifié le mandat d’arrêt délivré à son
encontre par le tribunal de Bir Mourad Raïs d’Alger. Le jour même, il a
été transféré à Alger, où il a été présenté devant le procureur de la
République près le tribunal de Bir Mourad Raïs, qui a ordonné son
placement en détention préventive, avec mandat de dépôt, à la prison
d’El Harrach.
Le 15 février 2023, Noureddine Tounsi a été présenté devant le juge
d’instruction près le tribunal de Bir Mourad Raïs, qui a maintenu le
mandat de dépôt.
Le 8 mars 2023, la chambre d’accusation près la Cour de Ruisseau
d’Alger a confirmé le maintien en détention préventive de M. Tounsi, qui
est poursuivi pour « atteinte à l’unité nationale » (article 79 du Code
pénal algérien) et « atteinte à la sûreté de l’État » (article 95 bis
du même Code), en lien avec le supposé partage d’un document jugé
« officiel » sur ses réseaux sociaux. Selon les avocat·es de M. Tounsi,
ces accusations sont montées de toutes pièces, aucune de ses
publications sur les réseaux sociaux ne comportant de document jugé
officiel, et Noureddine Tounsi aurait en réalité été arrêté sur la base
des mêmes faits que ceux qui lui ont été reprochés en 2020, et pour
lesquels il a déjà été jugé et a purgé une peine de prison.
L’Observatoire rappelle que Noureddine Tounsi avait déjà été arbitrairement arrêté et incarcéré
le 21 septembre 2020 pour des accusations de « divulgation de secrets
professionnels », « outrage et violence à fonctionnaires et institutions
de l’État » et « intelligence avec l’étranger » (accusation par la
suite abandonnée), pour avoir dénoncé plusieurs affaires de corruption,
et notamment le scandale des 701 kilos de cocaïne découverts au port
d’Oran en 2018. Le 24 novembre 2020, il a été condamné par le tribunal
d’Oran à six mois de prison, 50.000 DA (environ 341 Euros) d’amende et
50.000 DA de dommages et intérêts. Le 21 avril 2021, M. Tounsi a été
condamné à un an de prison ferme dans le cadre d’une deuxième affaire
pour « offense au président de la République », « pression sur les
décisions des magistrats » et « atteinte à la vie privée d’autrui » en
lien avec les mêmes faits. M. Tounsi avait été libéré le 23 septembre
2021 après avoir purgé sa peine.
L’Observatoire rappelle également que la condamnation de Noureddine Tounsi intervient dans un contexte de rétrécissement de l’espace civique
et de répression de toutes les voix dissidentes dans le pays, marqué
par des attaques systématiques des autorités aux droits à la liberté
d’association, de réunion et d’expression, ainsi qu’à l’encontre des
défenseur·es des droits humains, en réaction notamment au soulèvement
populaire du Hirak qui a débuté en février 2019.
L’Observatoire exprime sa vive inquiétude quant à l’état de santé de
Noureddine Tounsi qui se détériore significativement depuis le début de
sa grève de la faim, et dénonce sa détention arbitraire qui ne semble
viser qu’à le sanctionner pour l’exercice de ses activités légitimes de
défense des droits humains.
L’Observatoire appelle les autorités algériennes à garantir l’accès
de Noureddine Tounsi à des soins de santé adéquats, à le libérer
immédiatement, et à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y
compris au niveau judiciaire, à son encontre ainsi qu’à celle de tou·tes
les défenseur·es des droits humain dans le pays.
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