L’Observatoire
a été informé de la détention arbitraire et des mauvais
traitements à l’encontre de M. Mamadou
Billo Bah,
responsable du pôle jeunes de Tournons La Page (TLP) Guinée et de
la mobilisation et des antennes du Front National pour la Défense de
la Constitution (FNDC). L’Observatoire a également été informé
de la poursuite du harcèlement judiciaire et de la détention
arbitraire de MM. Oumar
Sylla,
alias Foniké Menguè, coordinateur du FNDC et coordinateur adjoint
de TLP-Guinée, et Ibrahima
Diallo,
coordinateur de TLP-Guinée et responsable des opérations du FNDC.
TLP est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles
africaines de 14 pays dont l’objectif est la promotion de
l’alternance démocratique en Afrique. Le FNDC est un mouvement
citoyen pro-démocratie né en 2019, et qui milite, depuis la prise
de pouvoir de la junte militaire en septembre 2021, pour un retour à
l’ordre constitutionnel et une transition rapide vers un pouvoir
civil, en concertation avec la société civile. En août 2022, la
junte militaire au pouvoir a annoncé la dissolution
du FNDC.
Le
21 janvier 2023, Mamadou Billo Bah a été enlevé par des hommes
cagoulés et lourdement armés qui l’ont roué de coups, alors
qu’il sortait d’une réunion avec des citoyens dans le quartier
Tombolia de Conakry, dans le cadre de la mobilisation citoyenne pour
exiger le retour rapide à l'ordre constitutionnel en Guinée. Ces
derniers l’ont gardé au secret, sans accès à sa famille ni à
ses avocats pendant deux jours avant de le conduire le 23 janvier
2023 à la Direction centrale des investigations judiciaires de la
gendarmerie nationale.
Le
23 janvier 2023, l’avocat de Mamadou Billo Bah a pu entrer en
contact avec son client, qui lui a relaté avoir reçu plusieurs
coups de bottes sur le bas-ventre et sur les côtes lors de son
arrestation, s’est plaint de respirer difficilement et de ne plus
pouvoir se tenir debout. Son avocat a demandé à ce que M. Billo Bah
soit ausculté par un médecin, qui a exigé son transfert à
l’hôpital Ignace Deen afin qu’il y effectue des examens dont une
radio suite aux violences subies. Malgré les demandes des médecins
pour que Mamadou Billo Bah soit hospitalisé, il a été ramené à
la Direction centrale des investigations judiciaires de la
gendarmerie nationale où il a passé la nuit.
Le
24 janvier 2023, Mamadou Billo Bah a été déféré devant le
Tribunal de première instance de Dixinn afin d’être présenté à
un juge d’instruction. Le doyen des juges près le Tribunal de
Dixinn l’a inculpé pour «participation délictueuse à un
attroupement», «coups et blessures volontaires»,
«association de malfaiteurs», «entrave à la
liberté de circulation», «complicité»,
«incendie et pillage» et «destruction de biens
privés»,
en relation avec les manifestations violemment réprimées des 28 et
29 juillet 2022 organisées par le FNDC.
Le juge a ordonné son placement en détention à la maison centrale
de Conakry, où il reste arbitrairement détenu sans accès aux soins
de santé au moment de la publication de cet Appel Urgent.
Le
même jour, Oumar Sylla et Ibrahima Diallo, arbitrairement
détenus
depuis six mois à la maison d’arrêt de Conakry, ont appris qu’ils
étaient la cible, avec Sekou
Koundouno,
responsable stratégies et planification du FNDC, d’une plainte
pour «diffamation» de la part de plusieurs membres de
la junte militaire au pouvoir en Guinée. Cette plainte fait suite à
une autre récemment déposée par le FNDC devant la justice
française contre le colonel Mamady Doumbouya pour «complicité
d’homicide et de torture» suite la répression violente des
manifestations pacifiques organisées par le mouvement.
L’Observatoire
rappelle que ce n’est pas la première fois que Mamadou Billo Bah
est visé par les autorités guinéennes en raison de ses activités
légitimes de défense des droits humains. Le 5 juillet 2022, il
avait été arrêté
alors qu’il animait une conférence de presse, avant d’être
relaxé le 8 juillet de la même année par le Tribunal de première
instance de Dixinn.
L’Observatoire
rappelle également qu’Oumar
Sylla
et Ibrahima
Diallo
ont été brutalement
arrêtés
le 30 juillet 2022 suite aux manifestations des 28 et 29 juillet
2022. Les deux défenseurs des droits humains sont depuis inculpés
pour «participation délictueuse à un attroupement»,
«coups et blessures volontaires», «association
de malfaiteurs», «entrave à la liberté de
circulation», «complicité», «incendie et
pillage» et destruction de biens privés » et
déférés à la maison centrale de Conakry où ils sont toujours
arbitrairement détenus dans l’attente de leur jugement.
L’Observatoire
condamne fermement la détention arbitraire de Mamadou Billo Bah,
ainsi que les mauvais traitements auxquels il a été soumis au
moment de son arrestation, et enjoint la junte militaire au pouvoir
en Guinée à lui garantir l’accès à soins de santé adéquats et
à mener une
enquête prompte, exhaustive, impartiale et transparente afin
d’identifier les responsables de ces actes et de les sanctionner
conformément à la loi.
L’Observatoire
appelle la junte militaire au pouvoir en Guinée à libérer
immédiatement et sans condition Mamadou Billo Bah, Oumar Sylla et
Ibrahima Diallo, et à
mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau
judiciaire, à leur encontre et à l’encontre de Sekou Koundouno et
de tous
les défenseurs des droits humains en
Guinée.
L’Observatoire
appelle également la junte militaire guinéenne à mettre en place
un processus de transition démocratique et inclusif et à respecter
les droits humains dans le pays.
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