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L’Observatoire a été informé de nouvelles attaques et de nouveaux actes d'intimidation à l'encontre de l'Association tunisienne pour la justice et l'égalité (DAMJ) et de ses membres, y compris Mme Mira Ben Salah, coordinatrice du bureau Sud de l’organisation, et Mme Asala Medawkhy. DAMJ est une organisation œuvrant à la promotion de la justice, de l’égalité et de l’inclusion des communautés les plus vulnérables en Tunisie, et en particulier la communauté LGBTIQ+. L’organisation travaille activement à la protection des personnes marginalisées, discriminées et criminalisées du fait de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle.
Le 18 septembre 2024, Mme Mira Ben Salah a reçu une convocation à comparaître le 10 octobre 2024 à 14 heures devant la brigade de police criminelle du quartier de Bab Bahr à Sfax, sans qu’aucune autre information ne lui soit fournie. Suite à cette convocation, des enquêtes policières ont été ouvertes contre quatre activistes d'autres associations queer tunisiennes, qui ont également reçu des convocations pour être auditionné·es par différentes brigades judiciaires. Le 3 octobre 2024, Asala Medawkhy a également été convoquée à se présenter devant la brigade de police à El Gorjani le 10 octobre 2024, pour des raisons non précisées.
Ces enquêtes interviennent après qu’une vaste campagne numérique a été lancée le soir du 13 septembre 2024 à travers des centaines de pages sur les réseaux sociaux avec une rhétorique discriminatoire à l’égard des activistes et associations du mouvement queer. Cette campagne de stigmatisation s’est poursuivie sur les chaînes de télévision et de radio privéesAttessia TV, France 24 et Radio IFM, qui ont diffusé des messages incendiaires contre les activistes du mouvement queer, appelant à leur emprisonnement et à la liquidation de leurs associations.
L’Observatoire rappelle que depuis juillet 2023, Mme Ben Salah, DAMJ et l'ensemble de la communauté LGBTQIA+ tunisienne sont victimes d'une campagne généralisée de diffamation et d'attaques. Cette campagne est devenue de plus en plus intense et violente à partir de février 2024. En mai 2024, quatre expert·es indépendant·es des Nations unies ont dénoncé cette escalade dans une communication. Malgré ces attaques, DAMJ a continué ses activités, en particulier ses actions de protestation sur le terrain et l’organisation de conférences de presse. Fin juin 2024, les autorités ont lancé une nouvelle campagne d’arrestations contre la communauté LGBTQIA+, soumettant des personnes à des examens anaux forcés, constitutifs d’actes de torture.
Ces violations graves des droits humains ont poussé DAMJ à organiser une manifestation devant la Cour d’appel de Tunis le 26 juin 2024, ainsi qu'une conférence de presse publique le 27 juin 2024 pour exposer le bilan des arrestations et l’emprisonnement des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur expression de genre. Ces actions n’ont fait qu’intensifier la répression des autorités contre DAMJ, comme en témoigne la convocation policière de sa coordinatrice. Le 19 septembre 2024, DAMJ a publié un communiqué expliquant la situation, en particulier à la lumière du programme électoral du Président Kaïs Saïed, dans lequel il attaque les associations et les personnes travaillant pour la défense des droits des personnes LGBTQIA+ en Tunisie. Entre le 26 septembre et le 2 octobre 2024, DAMJ a documenté l'arrestation de 27 autres personnes de la communautés LGBTQIA+ dans les villes de Tunis, Sousse et Hammamet. La campagne d'arrestations s'est ainsi intensifiée et s'est étendue de manière alarmante.
L’Observatoire exprime sa vive inquiétude face aux nouvelles attaques et actes d’intimidation à l’encontre de Mme Ben Salah, Mme Medawkhy et DAMJ, qui ne semblent viser qu’à les dissuader d’exercer leurs activités légitimes de défense des droits humains.
L’Observatoire appelle les autorités tunisiennes à mettre un terme à toute forme de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des membres de DAMJ, et à mener une enquête indépendante, rigoureuse, impartiale et transparente afin d’en identifier les responsables et de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial.
L’Observatoire appelle également les autorités tunisiennes à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité de Mira Ben Salah, Asala Medawkhy, et de tou·tes les membres de DAMJ, et à garantir les droits à la liberté d’association et d’expression dans le pays.
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